Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé de Bogdan Mureşanu
Signe des temps ? Des ex-pays de l’Est nous parviennent des évocations historiques lourdes de sens qui trouvent un écho troublant dans notre époque de grande confusion géopolitique en mode Guerre froide. Le mois dernier, c’était Radio Prague, les ondes de la révolte qui évoquait la Tchécoslovaquie de 1968. Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé se passe en décembre 1989, quelques jours avant la révolution roumaine, à travers les destins de plusieurs individus dont les préoccupations vont converger malgré eux et les entraîner dans un mouvement qui les dépasse. Au point de ne pas toujours comprendre ce qui se joue pour tout un peuple trop longtemps abusé par ses dirigeants. Il y a au hasard de cette demi-douzaine d’histoires enchevêtrées des jeunes gens bien décidés à passer à l’Ouest pour retrouver foi en leur avenir, mais aussi des citoyens a priori dociles dont les circonstances vont faire basculer les certitudes patriotiques. Derrière son titre ironique, Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé dresse l’état des lieux en demi-teintes d’une société qui persiste à demander l’impossible au Père Noël, à l’image de ce petit garçon qui lui écrit une lettre sans en mesurer toutes les conséquences, sous un régime totalitaire où la suspicion est omniprésente et où la Securitate se charge de débusquer les brebis galeuses. Son auteur quinquagénaire y témoigne d’une ambition peu commune, tout en assumant délibérément l’héritage de la nouvelle vague roumaine par son souci de saupoudrer son portrait de groupe d’une bonne dose de poil à gratter, sans verser dans la nostalgie ni la caricature.
Jean-Philippe Guerand
Anul Nou Car N-A Fost. Film roumain de Bogdan Mureşanu (2024), avec Mihai Calin, Nicoleta Hâncu, Emilia Dobrin, Adrian Văncică. 2h18.