Critique

Publié le 1 mai, 2025 | par @avscci

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Les Esprits libres de Bertrand Hagenmüller

Si le documentaire de Bertrand Hagenmüller a quelque chose de révolutionnaire, ce n’est pas dans sa forme – une plongée immersive dans le quotidien de quelques patients atteints de la maladie d’Alzheimer qui participent à une résidence artistique avec leurs soignants, agrémentée de très beaux monologues en voix- off – mais bien dans son propos : faire un (très grand) pas de côté par rapport aux discours habituels sur la vieillesse, la dépendance et la maladie, pour s’intéresser tout simplement à la vie. Comment vit-on lorsque l’on perd la mémoire ? Comment vit-on lorsque la réalité devient un labyrinthe dans lequel on se perd constamment ? Comment vit-on lorsque l’on se voit diminuer et presque disparaître ? 

Le film apporte une réponse multiple, en s’attachant aux pas de différents patients dont il nous fait découvrir l’imaginaire (Didier veut sans cesse rentrer chez lui, Antoine est amoureux, Anne-Marie a un sens de la répartie aussi piquant qu’hilarant…), et en les filmant au sein d’une communauté qui ne se limite pas à eux, puisque sont également présents les (jeunes) enfants de certains soignants. Et chacun se relaie ainsi auprès des autres, quel que soit son « rôle » de départ : patients entre eux, enfants pris en charge par les différents adultes présents, mais aussi enfants qui viennent consoler un patient en larmes, ou juste lui parler spontanément, comme il le ferait avec n’importe qui. Il y a là quelque chose d’une utopie enthousiasmante, et quasiment subversive. Pourquoi, d’ailleurs, cela doit-il forcément être utopique ? Pourquoi avons-nous collectivement, en tant que société, baissé les bras sur les dernières années de vie de nos parents et grands- parents ?  Si la question n’est jamais frontalement adressée par le film, elle en est le fil rouge évident. Et face aux regards momentanément joyeux d’Anne- Marie, Didier et les autres, juste heureux d’avoir retrouvé un sens à leur existence, il semble d’autant plus insupportable qu’aucune réponse politique sérieuse ne se fasse entendre, et que de telles expériences ne puissent pas se multiplier.

Marie-Pauline Mollaret

Film documentaire français de Bertrand Hagenmüller (2023), 1h34.




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