Critique

Publié le 7 avril, 2024 | par @avscci

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Yurt de Nehír Tuna

Du cinéma turc, on connaît surtout la figure tutélaire de Nuri Bilge Ceylan. Yurt nous révèle aujourd’hui Nehír Tuna après plusieurs courts remarqués dans les festivals, à travers le calvaire d’un adolescent qui passe ses journées dans une école laïque et ses nuits dans un internat religieux. L’histoire se déroule en 1996, une période clé de l’histoire turque marquée par l’irrésistible ascension du parti islamiste. Pour le jeune Ahmet, c’est une véritable épreuve de vérité qui passe par des études coraniques interminables, des brimades incessantes et une promiscuité pesante. Avec pour unique élément positif son amitié avec un autre pensionnaire. Sur le plan esthétique, l’usage du noir et blanc renvoie évidemment à bien des classiques du genre, le cadre éducatif restant un laboratoire humain en modèle réduit. Ce pensionnat ressemble autant à un orphelinat qu’à une maison de redressement et incarne la volonté de l’État de conditionner une génération de garçons à sa botte. Nehír Tuna insiste moins sur cette discipline de fer que sur la solidarité qui lie ces deux garçons confrontés à une autorité implacable. Le film bascule avec leur fugue où le noir et blanc laisse la place à la couleur et à un nouvel espoir. Un parti pris esthétique extrêmement fort qui correspond à une trajectoire vers la liberté et évoque aussi par certains aspects la fameuse course finale de Jean-Pierre Léaud dans Les 400 coups. Yurt réussit toutefois à imposer sa propre musique en utilisant la synecdoque pour nous proposer une authentique réflexion audacieuse à travers une soif de tendresse effrénée.

Jean-Philippe Guerand

Film turco-germano-français de Nehír Tuna (2023), avec Doga Karakas, Can Bartu Aslan, Ozan Çelik, Tansu Biçer, Didem Ellialti. 1h56.




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