Critique Yalda la nuit du pardon de Massoud Bakhshi

Publié le 9 octobre, 2020 | par @avscci

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Yalda, la nuit du pardon de Massoud Bakhshi

Le cinéma iranien nous a habitués à des chroniques sociales tournées parfois clandestinement dans lesquelles s’expriment les aspirations d’un peuple dont les réalisateurs doivent rivaliser d’audace et d’inventivité pour échapper à une censure impitoyable. Massoud Bakhshi signe son deuxième long métrage de fiction après Une famille respectable, révélé lors de la Quinzaine des réalisateurs en 2012. Passé par la critique et le documentaire, il s’inspire dans Yalda, la nuit du pardon d’une émission de téléréalité existante qui fonctionne comme une sorte de jeu de la vérité et tente de résoudre médiatiquement des faits divers délicats. En l’occurrence, dans le film, une affaire criminelle dans laquelle une jeune femme confrontée à la mort accidentelle de son mari beaucoup plus âgé dont la propre fille l’accuse.

La structure de Yalda, la nuit du pardon est celle du film de prétoire, à cette différence près que le jury est composé ici des téléspectateurs d’une émission dont l’audience est particulièrement déterminante car elle conditionne la validité du verdict qui l’achèvera. Massoud Bakhshi évite les pièges inhérents à ce genre cinématographiquement codifié et souligne en filigrane l’influence du voyeurisme télévisuel sur un peuple par ailleurs oppressé par un régime autoritaire qui le prive de ses libertés fondamentales. Un double niveau de lecture passionnant qui permet de réaliser comment le pouvoir des Mollahs donne à l’opinion publique iranienne l’illusion d’une démocratie participative dans laquelle il suffirait d’une télécommande pour accéder à la justice populaire. Un processus dialectique d’une perversité confondante qui élève ce suspense en temps réel au niveau d’un témoignage sociologique plus éloquent que n’importe quel documentaire.

Jean-Philippe Guerand

Yalda. Film irano-franco-germano-suisso-luxembourgeois de Massoud Bakhshi (2019), avec Sadaf Asgari, Behnaz Jafari, Babak Karimi 1h29.




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