Critique

Publié le 4 janvier, 2023 | par @avscci

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Vivre d’Oliver Hermanus

Étrange expérience que ce film qu’on croirait sorti des archives secrètes d’une cinémathèque et qui est la transposition à soixante-dix ans de distance d’un des chefs d’œuvre les plus oubliés d’Akira Kurosawa par l’un de ses compatriotes de naissance, le romancier anobli Kazuo Ishiguro connu pour avoir inspiré Les Vestiges du jour (1994) de James Ivory et Never Let Me Go (2011) de Mark Romanek. Vivre s’attache à un employé modèle qui semble avoir sacrifié les plaisirs de l’existence à son labeur de fonctionnaire zélé et décide de rattraper le temps perdu au moment de la retraite, histoire de s’offrir la fantaisie à laquelle il n’a jamais goûtée. Un rôle en or pour celui qui l’incarne dans un contre-emploi spectaculaire : le toujours pince-sans-rire Bill Nighy dont la retenue sied à son personnage ô combien énigmatique aux yeux de ses subordonnés. Le comédien n’éprouve aucune difficulté à se glisser dans la peau de ce personnage confronté à la saveur tardive d’une vie dont il semblait ignorer jusqu’à la tentation. Olivier Hermanus excelle dans la description de cette vie de bureau où chaque employé n’est que le maillon d’une longue chaîne invisible. Dès lors, le film assume sa facture un peu déconcertante en dépeignant une société figée où le sens du devoir semble avoir pris le pas sur le droit au bonheur, incarné quant à lui par ces employés plus jeunes auxquels la guerre récente a sans doute inculqué un nouveau plaisir de vivre. Vivre distille une philosophie de la vie qui mérite d’être méditée, tant elle relativise sa pérennité sans nous submerger sous une morale au rabais.

Jean-Philippe Guerand

Living. Film britannique d’Oliver Hermanus (2022), avec Bill Nighy, Aimee Lou Wood, Alex Sharp, Adrian Rawlins, Oliver Chris 1h42.




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