Critique

Publié le 24 mars, 2024 | par @avscci

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Une famille de Christine Angot

C’est autour de sa vie que Christine Angot a bâti son œuvre. Certains crient à l’impudeur, sinon au voyeurisme, d’autres la célèbrent comme une des grandes voix de l’autofiction. Catherine Corsini en a merveilleusement saisi la substance dans son adaptation d’Un amour impossible (2018), l’évocation du traumatisme primitif : les viols répétés dont elle a fait l’objet de la part de son père au cours de son adolescence. Avec Une famille, l’écrivaine signe elle-même un documentaire autour de cette thématique obsessionnelle. De passage à Strasbourg où son père a passé ses dernières années, elle débarque de façon impromptue chez sa veuve pour lui demander des comptes sur ce qu’elle considère comme une non-assistance à personne en danger. Cette scène d’ouverture est aussi le point d’orgue de ce film pétri de douleur. Christine Angot aborde le cinéma comme la littérature : à la hussarde. Avec la complicité de la directrice de la photo Caroline Champetier, habituée à frayer avec de fortes personnalités, elle multiplie les confrontations à haut risque émotionnel. Jusqu’à ce moment apaisé avec sa fille dans une inversion des rôles assumée qui intègre les acquis du mouvement #MeToo. Angot assume son agressivité comme sa détresse sans jamais chercher à se donner le beau rôle. Jusqu’à ses retrouvailles poignantes avec le père de sa fille auquel elle se confie avant qu’ils ne fondent en sanglots l’un et l’autre. Comme pour essayer de se reconstruire en troquant son ordinateur contre une caméra et en passant de la fameuse solitude de la page blanche à cet art du collectif qu’est le cinéma.

Jean-Philippe Guerand

Film documentaire français de Christine Angot (2023), avec Christine Angot, Claude Chastagner, Léonore Chastagner. 1h21.




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