Critique

Publié le 6 octobre, 2022 | par @avscci

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Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Depuis 1975, année de la création de Dérives, leur première maison de production, Jean-Pierre et Luc Dardenne se sont toujours donné les moyens de réaliser et de produire librement un cinéma social qui dénonce l’injustice qui règne dans nos sociétés, suscitant souvent chez le spectateur un sentiment de révolte. Tori et Lokita, récit haletant et oppressant, ne fait pas exception. Ce n’est pas la première fois que les frères Dardenne traitent du sort réservé aux immigrés (Le Silence de Lorna en 2008, La Fille inconnue en 2016). Ici, la réalité de notre époque apparaît encore plus rude, leur exploitation devient une norme sociale effrayante et leur humanité est foulée aux pieds avec une violence frontale, âpre et cruelle, qui ne desserre jamais son étau. Caméra au plus près de Tori et Lokita, deux jeunes béninois échoués dans les rues de Liège, les Dardenne proposent une épure bouleversante entre services sociaux obtus et insensibles à leur douleur, réseaux de passeurs infâmes, trafiquants de drogue répugnants. Tori, âgé d’une dizaine d’années, a pu obtenir son permis de séjour grâce à son statut d’orphelin. Lokita, de quelques années son aînée, tente de se faire passer pour sa sœur pour espérer une régularisation impossible. Tous deux n’ont que leur immense courage et le lien indéfectible qui les unit pour s’opposer au pire qui les entoure. Le drame social se conclut alors en un film d’une noirceur absolue, tragique et insupportable. Déjà lauréats de deux Palmes d’or à Cannes (pour Rosetta, en 1999 et pour L’Enfant, en 2005), les frères Dardenne remportent ici le Prix du 75ème Festival de Cannes. Une récompense largement méritée pour ce film nécessaire.

Gérard Camy

Film belge de Jean-Pierre et Luc Dardenne (2022), avec Pablo Schils, Joely Mbundu, Alban Ukaj. 1h28.




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