Critique

Publié le 4 janvier, 2023 | par @avscci

0

Tirailleurs de Mathieu Vedepied

Tirailleurs possède un point commun avec Indigènes (Rachid Bouchareb, 2006) ou Welcome (Philippe Lioret, 2009), celui d’avoir débordé les pages cinéma des gazettes pour s’inviter dans les pages société. Preuve que le cinéma n’est pas un simple spectacle et que la culture heureusement nous interpelle. Tirailleurs met en scène ces fameux tirailleurs sénégalais (qui d’ailleurs venaient parfois d’autres régions d’Afrique) ayant prêté main forte à l’armée française en 1914 (entre autres). La polémique déclenchée par Omar Sy (qui s’est contenté de dire que l’opinion française n’avait pas intérêt démesuré pour l’Afrique, ce qui tient de l’évidence) a assuré au film une promo d’enfer (comme les déclarations d’Eric Besson, ministre de Sarkozy à l’époque, et très critique de Welcome, avaient en leur temps remis le problème des migrants voulant rejoindre l’Angleterre via Calais au premier plan).

Mais qu’en est-il du film lui-même ? Tirailleurs peut paraître un peu terne au regard d’autres films récents traitant de la Grande guerre avec un vrai sens du spectaculaire (le début d’Au revoir là-haut, la première séquence de Cessez-le-feu, etc.), on sent bien que le film n’avait d’ailleurs pas les moyens de multiplier les scènes de bataille. Mais il est clair que ce n’était pas non plus son propos. En brossant le portrait d’un brave homme qui n’a endossé l’uniforme que pour veiller de plus près à la sécurité de son fils, enrôlé de force, le film n’a pas besoin de longs discours pour poser la question qui tue : « Qu’allaient faire les Africains dans cette grande boucherie qui ne les concernaient que de loin ? » Et éventuellement : « N’ont-ils pas au passage pâti du racisme de leurs camarades de combat ? » Les réponses ne sont évidemment pas univoques. Et le film de nous montrer que le jeune homme sorti pour la première fois de son village était capable de sentiments « patriotiques ». Mais Tirailleurs nous montre également certaines séquences qui nous glacent, celles où les Africains sont littéralement raflés, arrachés aux leurs pour devenir de la chair à canon. Il est vrai que l’Histoire bégaie et que les jeunes du Daguestan auraient aujourd’hui également des questions à poser sur la nécessité de leur présence en Ukraine…

Yves Alion

Film français de Mathieu Vedepied (2022), avec Omar Sy, Alassane DiongJonas Bloquet. 1h49.




Back to Top ↑