Critique

Publié le 28 novembre, 2022 | par @avscci

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Saint-Omer d’Alice Diop

Pour son premier long métrage de fiction, Alice Diop aborde la question complexe de la maternité en reconstituant le procès d’une jeune femme qui a tué sa fille en l’abandonnant sur une plage à marée montante. C’est à travers le regard d’une autre femme, écrivaine, que l’on suit les échanges se déroulant au tribunal, dans une quête de sens forcément impossible. Or plus que le besoin d’expliquer le geste de l’accusée, c’est bien celui d’exposer une situation par essence aussi impénétrable qu’insupportable qui anime la réalisatrice. Elle le fait à travers une mise en scène extrêmement statique, succession étouffante de longs plans fixes sur les personnages qui parlent ou écoutent, avec des regards souvent hors cadre, tournés vers des interlocuteurs invisibles, dans un dispositif qui refuse le sensationnalisme et fait de la parole le centre de l’action. Parce qu’il s’agit d’un sujet directement lié à la féminité (ce que c’est d’être une femme qui tue son enfant), les hommes sont en retrait, spectateurs d’une expérience qui leur échappe. Il y a d’ailleurs dans le film la notion d’un lien invisible qui – à travers une expérience commune – relie entre elles les femmes. Même si cela passe parfois par des effets artificiels (de nombreux flashbacks insistent sur le passé difficile de la romancière avec sa propre mère, comme s’il fallait à tout prix créer une relation en miroir entre les deux personnages, mais sans vraiment la prendre en charge), cette idée forte permet de s’extraire du simple fait divers pour donner au récit un éclairage à la fois plus puissant et plus fortement métaphorique.

Marie-Pauline Mollaret

Film français d’Alice Diop (2022), avec Kayije Kagame, Guslagie Malanda, Valérie Dréville, Aurélia Petit. 2h02.




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