Critique Residue de Merawi Gerima

Publié le 5 janvier, 2022 | par @avscci

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Résidue de Merawi Gerima

Chronique d’un quartier tout autant que celui d’une jeunesse disparue, Residue est une sorte de petit choc dans le cinéma américain, car ce premier long métrage ose regarder en face nombre de questions ou de thèmes à la mode, mais avec une intelligence, et même une forme de poésie, que l’on attendait plus. Le sujet est simple, à la lisière de l’œuvre autobiographique. Soit un jeune homme, étudiant en cinéma, qui revient dans son quartier pour faire face à deux événements : le poids de la vie et de la violence ayant frappé bon nombre de ses compagnons d’enfance, mais aussi la gentrification systémique du lieu, qui augmente les prix tout en dévorant les souvenirs et l’identité de la communauté. Residue est un film à l’imparfait, dont le rythme cotonneux témoigne d’une distance mélancolique, celle des fameux paradis perdus, même si le narrateur ne se méprend jamais sur la dimension en aucun cas paradisiaque des souvenirs dépeints. Mais, entre la violence de la drogue, de la pauvreté, et la colonisation par des bourgeois wasp des espaces de sa jeunesse, le cinéaste filme deux maux contradictoires et également négatifs. Le discours est politique mais surtout interrogatif. La mémoire, le passé, les amitiés disparues, sont le vrai cœur de ce récit qui fait le tour d’un passé parfois effrayant, mais dont la disparition totale ne fait que redoubler les souffrances. La réalisation s’organise autour des maisons, des rues, des errances du protagoniste principal, en délaissant les tics d’un cinéma du réel pour un cinéma du souvenir, jamais naïf mais toujours poignant.

Pierre-Simon Gutman

Film américain de Merawi Gerima (2021), avec Obinna Nwachkuwu, Dennis Lindsey, Taline Stewart. 1h30.




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