Piccolo Corpo de Laura Samani

Premier long métrage d’une cinéaste née à Trieste en 1989, Piccolo Corpo suit une tendance constante du cinéma italien, déjà présente chez Olmi ou les frères Taviani. En revenant à l’Italie rurale du XIXè siècle, où la nature fantasmée est pleine de dangers, de ruses magiques, d’occasions de rédemption, ce cinéma n’oublie jamais la critique sociale, la place des paysans, des petites gens. Et dans le cas de Laura Samani, la place des femmes. L’enfant mort-né est condamné à demeurer dans les Limbes pour l’éternité. Pour les habitants du Frioul ou de la Vénétie d’autrefois, des sanctuaires secrets existent dans la montagne pour ressusciter un instant ces créatures, le temps de les baptiser et de les sauver de la malédiction. Une jeune femme quitte dans ce but son misérable village de pêcheurs, transporte le corps du bébé dans une malheureuse caisse en bois, à travers des chemins périlleux, à travers aussi un scénario inspiré et des images somptueuses. Elle croise un vagabond étrange, des villageois hostiles ou secourables, des brigands aussi, et entraîne le spectateur dans un film puissamment féministe et ancré dans ce que Pasolini, né il y a cent ans, appelait un « cinéma de poésie ». L’obstination du protagoniste d’un récit porte toujours ce récit avec force. Depuis Antigone, l’idée fixe, l’entêtement devient à la fois un sujet moral et un levier narratif. Laura Samani le sait et nous apporte avec ces outils anciens un propos absolument neuf et convaincant.

René Marx

Film italien de Laura Samani (2021), avec Celeste Cicutti et Ondina Quadri. 1h29.