Critique

Publié le 9 juin, 2024 | par @avscci

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Orlando, ma biographie politique

Orlando, de l’écrivaine Virginia Woolf, ne manque pas d’adaptations cinématographiques (parmi les plus punk, signalons l’étonnant Freak Orlando de la cinéaste Ulrike Ottinger en 1981). Aussi fallait-il un concept solide pour donner la sensation, comme c’est le cas avec cet essai hybride mêlant indifféremment documentaire et fiction, de proposer une relecture inédite et fondamentalement contemporaine, de l’histoire de ce noble anglais androgyne qui se réveille femme du jour au lendemain. L’écrivain et militant trans Paul B. Preciado part d’un constat simple : avec ce livre, Virginia Woolf a écrit par anticipation une biographie de lui. Il s’adresse donc directement à elle dans cette longue lettre cinématographique qui s’avère à la fois un état des lieux de la transidentité depuis l’époque du roman et un questionnement ironique des normes, images et clichés imposés en la matière par l’ouvrage – et par le sens commun. Il part ainsi à la rencontre de 26 personnes trans et non binaires qui incarnent tour à tour Orlando et évoquent leur parcours, leurs rêves et leurs désirs, dans une théâtralité assumée. Leurs voix se mêlent à celle du personnage, rendant floues et poreuses les frontières entre les témoignages et les extraits du livre. Le ton est cru et incisif, bien qu’il s’en tienne parfois un peu scolairement à un catalogue de situations attendues. Pourtant, de cet effet de répétition et de stylisation naît une émotion particulière devant les parcours que l’on découvre au détour d’une phrase ou d’une anecdote. C’est dans ces moments, lorsque le jeu laisse place à la sincérité intimiste, que le film est le plus touchant.

Marie-Pauline Mollaret

Film documentaire de Paul B. Preciado (2023), avec Paul B. Preciado, Oscar S Miller, Clara Deshayes, Frédéric Pierrot. 1h38.




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