On ira d’Enya Baroux
Hélène Vincent a tenu il y a quelques années l’un de ses plus beaux rôles à l’écran dans Quelques heures de printemps (2012) de Stéphane Brizé. Elle y incarnait une femme atteinte d’un cancer incurable bien déterminée à mettre fin à sa vie au moment de son choix. Impossible de ne pas mettre ce rôle en parallèle avec celui qu’elle tient dans le premier long métrage d’Enya Baroux. L’argument est assez proche, mais le traitement est très différent. Incapable d’annoncer sa décision de mourir à son fils et à sa petite fille, elle leur demande de l’accompagner en Suisse sous prétexte d’y récupérer un héritage providentiel, et embarque dans cet étrange voyage un auxiliaire de vie qu’elle vient de rencontrer. Dès lors, c’est le casting qui fait toute la différence avec en son cœur Hélène Vincent dans une composition d’une grande subtilité pour laquelle elle a d’ailleurs partagé le Prix d’interprétation féminine du festival de l’Alpe d’Huez avec sa jeune partenaire Juliette Gasquet en adolescente ingrate confrontée à l’immaturité de ses aînés. On ira est aussi l’occasion pour l’actrice de retrouver l’un de ses partenaires de Quand vient l’automne de François Ozon en la personne de Pierre Lottin qui déploie ici ses ailes dans un emploi de brave type chargé de recoller les morceaux d’une famille écrasée par les non-dits. Et puis, comment ne pas louer la composition de David Ayala, nommé récemment au César du meilleur acteur dans un second rôle pour Miséricorde d’Alain Guiraudie. Il campe cette fois un paumé magnifique aussi incapable d’assumer ses responsabilités en tant que fils qu’en tant que père. Par son habileté à pratiquer le mélange des genres en dédramatisant un sujet volontiers abordé sur un registre tragique, Enya Baroux trouve toujours le ton juste et réussit à se faire un prénom en beauté avec un film qui va droit au cœur.
Jean-Philippe Guerand
Film français d’Enya Baroux (2024), avec Hélène Vincent, Pierre Lottin, David Ayala, Juliette Gasquet 1h37.