Critique

Publié le 25 avril, 2024 | par @avscci

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Occupied City de Steve McQueen

Artiste multi-tâches, Steve McQueen s’est fait connaître par des expositions et des installations avant d’aborder le cinéma avec un appétit peu commun. Présenté l’an dernier au Festival de Cannes, Occupied City est un projet fou qui évoque le labeur des encyclopédistes par son postulat de départ. Ce documentaire de quatre heures et demie ambitionne de raconter l’histoire d’Amsterdam pendant la Seconde Guerre mondiale en quadrillant la ville dans un porte-à-porte mémoriel inspiré d’un ouvrage monumental de l’épouse du réalisateur, Bianca Stigter, L’Atlas d’une ville occupée : Amsterdam 1940-1945. Alternative satisfaisante à la disparition inéluctable des derniers témoins, Occupied City est l’aboutissement d’un rêve fou que Steve McQueen a commencé à caresser en 2005 et qui s’est concrétisé ironiquement à un autre tournant capital de l’histoire de l’humanité : la pandémie de Covid-19 qui a transformé Amsterdam en ville fantôme, en vidant ses rues, dans une sorte de reflet troublant et propice à l’exhumation des spectres du passé. Ce jeu de l’oie géant donne un supplément d’âme à des immeubles parfois banals dont les murs anonymes dissimulent les secrets, faute de plaques commémoratives et de signes de reconnaissance. La démarche du cinéaste force l’admiration en rendant son âme à une ville qui ne conserve que peu de traces visibles de son martyre et de ses spectres. Avec tout de même une grande absente dont le souvenir hante toutefois ces façades anonymes : Anne Frank. Tel est le pari réussi de cette œuvre monumentale qui reflète la singularité de son réalisateur.

Jean-Philippe Guerand

Film documentaire néerlando-britanno-américain de Steve McQueen (2022). 4h26.




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