Critique

Publié le 18 mars, 2024 | par @avscci

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Nome de Sana Na N’Hada

Présenté à l’ACID lors du dernier festival de Cannes, Nome marque le retour du cinéaste guinéen Sana Na N’Hada, un artiste septuagénaire pionnier du cinéma africain et qui a démarré en tant qu’assistant de Chris Marker en personne. Le réalisateur revient sur les écrans après une éclipse de dix ans, afin de livrer une œuvre qui reprend une partie des thèmes qui travaillait déjà son premier long métrage, Xime, en 1994, centré autour de la guerre d’indépendance contre le Portugal, dans les années 1960. L’auteur revient sur cette époque fondatrice de son parcours et de son cinéma, pour une œuvre que l’on pourrait diviser en deux parties. La première se concentre sur la guerre déjà évoquée, en suivant le destin de Nome, un jeune homme qui rejoint la rébellion pour des raisons plus égotiques qu’idéalistes. Le metteur en scène livre ici un véritable choc esthétique, offrant une vision plastiquement raffinée des errances de Nome, de la vie du village d’où il vient, ou de ses premiers combats. Une approche qui change nettement dans la deuxième partie, qui se concentre sur l’après-guerre immédiat, dans une Guinée-Bissau fraîchement indépendante. Nome y devient le leader et le symbole de la récupération carriériste des idéaux de la révolte, et l’artisan, parmi d’autres, d’une corruption cynique qui contaminera toute la jeune nation. L’extrême sincérité du propos se heurte néanmoins à une approche plus didactique, portée par une réalisation qui devient de plus en plus classique à mesure que le propos devient plus politiquement clair, ciblé. La cohabitation malaisée entre les deux moitiés du film crée un déséquilibre, qui ne gâche néanmoins guère la fulgurance du début, et la rage touchante de la suite.

Pierre-Simon Gutman

Film franco-porto-guinéen de Sana Na N’Hada (2023), avec Marcelino António Ingira, Helena Sanca. 1h57.




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