Critique

Publié le 11 janvier, 2024 | par @avscci

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Moi capitaine de Matteo Garrone

Les différents courants de migration font aujourd’hui l’objet de films de plus en plus nombreux, qu’il s’agisse de documentaires ou d’œuvres de fiction. Reflets spectaculaires de ces exodes massifs dus aux conflits armés, au réchauffement climatique et à toute la misère du monde. Matteo Garrone s’attache ainsi à deux adolescents sénégalais désireux d’aller tenter leur chance en Europe à l’insu de leur famille. Un périple épique qui ne cadre évidemment pas avec la naïveté de leurs rêves et met en évidence la perversion endémique de l’économie souterraine qu’a engendré ce phénomène de masse, avec son lot de passeurs et d’intermédiaires. Ce calvaire, le cinéma nous l’a souvent donné à voir, d’Eden à l’Ouest (2008) de Costa- Gavras aux documentaires du réalisateur italien Gianfranco Rosi. Son compatriote Matteo Garrone le dissèque sans complaisance dans toute son absurdité, en décrivant par le menu ce qui ressemble à la fin de l’innocence. Il dénonce en outre un système pernicieux au sein duquel l’être humain devenu quantité négligeable n’est plus qu’une marchandise comme les autres pour ceux qui l’exploitent. Moi capitaine est en cela un film édifiant aux images parfois pénibles sinon complaisantes que le réalisateur de Gomorra met en scène à la manière d’un véritable rituel satanique, avec son lot de déshumanisation qui veut qu’un homme tombé d’un camion relève d’un dégât collatéral et que ces damnés de la terre se retrouvent dépossédés à la fois de leur nationalité et de leur identité. Le constat est implacable, mais il passe par un objectif narratif parfois trop convenu.

J.-P. G.

Io Capitano. Film italo-belgo-luxembourgo-français de Matteo Garrone (2023), avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo, Bamar Kane. 2h02.




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