Critique Memoria d'Apichatpong Weerasethakul

Publié le 22 novembre, 2021 | par @avscci

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Memoria d’Apichatpong Weerasethakul

Le cinéma d’Apichatpong Weerasethakul est hypnotique et exigeant, reposant sur un langage cinématographique et formel fort : jeu sur la durée des séquences, métaphores visuelles, ambiances magnétiques qui placent le spectateur dans un état léthargique proche de celui des personnages endormis ou frappés de cataplexie… Avec Memoria, le réalisateur creuse le sillon de cette œuvre énigmatique et contemplative qui révèle les secrets du monde à qui est capable de les percevoir. Cette nouvelle expérience intime nous attache aux pas d’une femme hantée par un bruit qu’elle est la seule à entendre et qui la mène au fin fonds de la savane colombienne au cours d’une longue quête introspective. Le récit se construit dans de longs plans souvent fixes qui restent à distance des personnages, et prennent le temps de les observer. Tout sauf cérébral, le film est un voyage sensoriel immersif sur les traces des origines de l’Humanité, et de sa mémoire collective, à travers une allégorie qui révèle les fils invisibles qui nous rattachent, malgré nous, à tout ce qui fut. Mémoire, porosité de plusieurs univers coexistants, frontière floue entre le rêve et la vie éveillée, tous les thèmes chers au réalisateur thaïlandais sont bien présents. Memoria a d’ailleurs une dimension éminemment “méta”, tant le rapprochement est évident entre les êtres qui servent de “passeurs” d’un niveau de réalité à l’autre, et le cinéaste qui révèle inlassablement aux yeux du spectateur cette beauté enfouie du monde.

Marie-Pauline Mollaret

Film colombo-thaïlandais d’Apichatpong Weerasethakul (2021), avec Tilda Swinton, Jeanne Balibar, Daniel Giménez Cacho, Elkin Diaz. 1h50




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