Critique

Publié le 7 novembre, 2023 | par @avscci

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Marx peut attendre de Marco Bellocchio

C’est au moment même où sort son dernier film de fiction, L’Enlèvement, que son distributeur programme l’opus précédent de Marco Bellocchio, un documentaire dans lequel le cinéaste italien lève le voile sur une zone grise de son existence : la mort de son frère jumeau Camillo en 1968. Ce projet très intime mais d’une grande retenue esquisse aussi le portrait d’une génération dont les illusions se sont fracassées contre le fameux principe de réalité. D’où son titre évidemment ironique… Ce frère disparu agit en fait comme un révélateur pour l’artiste dont son engagement a nourri inconsciemment l’inspiration. L’autobiographie est donc ici le miroir d’une époque troublée au cours de laquelle bien des idéologies se sont abimées. Le réalisateur a lui-même milité au sein d’un groupe maoïste, l’Union des communistes italiens (marxistes-léninistes) dont son film constitue un véritable exorcisme cinématographique au fil duquel Marco Bellocchio dévoile au cercle de ses intimes un secret de famille qui le hante. Il émane paradoxalement de ce film en forme de confessionnal collectif une force de vie revigorante. Peut-être parce que son auteur ne se retourne sur ce passé douloureux qu’à plus d’un demi-siècle de distance et que les jeux sont faits. Il n’est plus ce jeune homme en colère qui venait de débarquer dans le cinéma avec deux brûlots engagés : Les Poings dans les poches (1965) et La Chine est proche (1967). Nul besoin d’être un exégète averti du cinéaste pour percevoir ce sentiment qui le ronge mais dont ce documentaire à cœur ouvert dévoile l’origine avec une grande sincérité.

Jean-Philippe Guerand

Marx può aspettare Film documentaire italien de Marco Bellocchio (2021), avec Marco Bellocchio, Alberto Bellocchio, Letizia Bellocchio, Pier Giorgio Bellocchio 1h36.




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