Critique

Publié le 26 mars, 2024 | par @avscci

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Los Delincuentes de Rodrigo Moreno

Au premier degré, il s’agit du braquage perpétré dans une banque par deux ronds de cuir dépourvus du moindre charisme. Des hommes dans la foule qui caressent des rêves inaccessibles sans avoir le courage de les réaliser, même une fois devenus riches. Le propos de Rodrigo Moreno se situe pourtant ailleurs. Dans ce lieu reculé où va se réfugier l’un, tandis que son complice purge leur peine de prison à tous les deux. Révéler la suite serait regrettable… Los Delincuentes propose en fait une réflexion sur la condition humaine à travers les choix existentiels qu’on accomplit dans l’espoir illusoire de modifier le cours de son destin. Ses deux personnages principaux nourrissent des aspirations à leur image : modestes sinon minables. La somme qu’ils dérobent se limite d’ailleurs à leurs salaires cumulés jusqu’à la retraite. Quant à leur eldorado dérisoire, c’est un village perdu de la région de Córdoba où les membres d’une communauté d’artistes vivant en autarcie semblent moins se préoccuper de gagner honnêtement leur vie que de refaire éternellement le monde. Avec pour l’égayer deux sœurs mystérieuses. Le film fascine par sa construction en miroir dont le réalisateur affirme qu’elle reflète ses deux hémisphères. Los Delincuentes sème ainsi d’innombrables petits cailloux blancs. À l’image des prénoms de ses protagonistes qui résonnent comme les anagrammes absurdes et énigmatiques les uns des autres : Morán, Román, Ramon, Morna, Norma… Cinq lettres qui servent à désigner autant de personnages emboîtés dans une sorte de ballet énigmatique qui aimerait ressembler à une parade d’amour.

Jean-Philippe Guerand

Film argentino-chilo-brasilo-luxembourgeois de Rodrigo Moreno (2023), avec Daniel Elías, Esteban Bigliardi, Margarita Molfino. 3h10.




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