Critique

Publié le 19 janvier, 2022 | par @avscci

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Les Leçons persanes de Vadim Perelman

Déporté en Allemagne, le fils d’un rabbin hollandais arrêté dans une forêt de l’Est de la France occupée avec d’autres juifs échappe miraculeusement à une mort annoncée et décide de se faire passer pour persan. Ce stratagème lui vaut d’enseigner le farsi (dont il ne connaît pas un mot !) à un capitaine SS désireux de se familiariser avec cette langue afin d’ouvrir un restaurant à Téhéran au lendemain de la guerre. C’est en s’inspirant d’une pièce radiophonique du dramaturge allemand Wolfgang Kohlhaase intitulée Création d’une langue que le réalisateur ukraino-américain Vadim Perelman a conçu ces Leçons persanes qui baignent dans l’ironie du désespoir, mais reposent aussi sur des caractères profondément humains confrontés à un contexte exceptionnel. Avec pour figure de proue ce personnage à facettes qu’incarne l’acteur argentin Nahuel Perez Biscayart, formidable sur le registre ô combien périlleux de l’ambiguïté. Vadim Perelman excelle sur un registre délicat qu’on pourrait qualifier de tragique dérisoire. Il se garde toutefois d’imposer l’intrigue de son film comme autre chose qu’une sorte de lettre persane qui nous renvoie un reflet singulier de l’âme humaine confrontée à l’une des pires tragédies de l’histoire. Et si l’on venait à en douter, la séquence d’ouverture est là pour nous rappeler à la réalité d’un contexte dans lequel bon nombre de vivants n’étaient bien souvent que des morts en sursis, à l’instar de son personnage principal qui use d’un langage imaginaire pour manipuler son interlocuteur. Sans que jamais la mise en scène ne cède elle aussi à cette tentation.

Jean-Philippe Guerand

Persian Lessons. Film russo-germano-biélorusse de Vadim Perelman (2019), avec Nahuel Perez Biscayart, Lars Eidinger, Jonas Nay 2h07.




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