Critique

Publié le 25 septembre, 2023 | par @avscci

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Les Feuilles mortes d’Aki Kaurismäki

Il nous aura donc fallu attendre six ans, depuis L’Autre côté de l’espoir, pour avoir des nouvelles d’Aki Kaurismäki, pince-sans-rire lunaire qui porte en lui ce désespoir inhérent aux gens que le soleil de minuit incite à la mélancolie. Dans ses films, il y a souvent un homme, une femme et un chien. C’est une nouvelle fois le cas dans Les Feuilles mortes qui doit son titre à la fameuse chanson de Jacques Prévert et Joseph Kosma qu’on entend dans une version alternative sur le générique de fin. Cette fois, ses tourtereaux sont une employée de supermarché et un homme alcoolique qui vont se rencontrer, se perdre et se retrouver. L’intrigue est minimaliste, la mise en scène épurée. Il se dégage pourtant de cette brève rencontre dont les protagonistes se cherchent, une émotion indicible qui passe par des détails infimes et des caractères résilients. Kaurismäki n’a pas son pareil pour grandir les petites gens sans commisération, misérabilisme ou arrogance. Il préfère les personnages aux héros et rejoint en cela Jacques Tati pour l’élégance et Charles Chaplin pour tout le reste. Il cite d’ailleurs ce dernier à deux reprises dans son nouveau film en donnant phonétiquement son nom à une ville ukrainienne victime de bombardements russes. Car, une fois n’est pas coutume, ce chantre de la fracture sociale inscrit son film dans une actualité où son pays figure aux avant-postes. Le rire de Kaurismäki s’étouffe parfois dans la gorge, mais jamais il ne se moque de celles et ceux qu’il observe.

Jean-Philippe Guerand

Kuolleet lehdet. Film finlandais d’Aki Kaurismäki (2023), avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen. 1h21.




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