Critique

Publié le 27 février, 2024 | par @avscci

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Les Derniers Hommes de David Oelhoffen

Les Derniers Hommes est aussi le dernier film produit par le (très) regretté Jacques Perrin. Une belle façon de boucler la boucle pour celui qui s’était fait connaitre du grand public par sa participation à La 317è Section (1965), qui reste l’un des plus grands films de guerre de tous les temps. Mais si le film de Schoendoerffer se situait pendant la guerre d’Indochine, celui d’Oelhoffen, qui visite les mêmes lieux, revient sur un épisode de la Seconde guerre mondiale, lorsque les Japonais, en 1945, dans un dernier baroud d’honneur, se mettent en tête de reprendre des terres encore « françaises » qui ne sont plus désormais sous l’autorité de Pétain. Les Derniers Hommes est un film de guerre assez atypique, les combats eux-mêmes étant réduits à la portion congrue. Mais la violence et la mort planent en permanence au-dessus de la tête de ces légionnaires en fuite traversant la jungle pour trouver refuge de l’autre côté de la frontière chinoise. Le film est anxiogène, menaçant, claustro, moite. Autant dire que le réalisateur réussit pleinement à accorder le fond et la forme, ce qui n’est pas rien. Tableau d’une collectivité à l’abandon, le film parvient également à la perfection à éclairer les failles de la communauté, d’autant plus hétérogène que les légionnaires sont originaires de pays divers, avec leurs croyances, leurs visions du monde, leur capacité à puiser en eux-mêmes des forces nouvelles, encore et encore, pour avancer. Sans jamais lâcher pour autant dans la caractérisation de chacun des personnages, et cela sans jamais tomber dans la caricature. Chapeau ! Au final, ce projet ambitieux tient ses promesses. Ce qui ne surprend pas ceux qui avaient vu Loin des hommes, dont l’action se situait pendant la guerre d’Algérie et privilégiait (déjà) les relations humaines aux rebondissements de la guerre. Deux aspects du film posent néanmoins question. Le premier porte sur l’équilibre entre l’action (qui met en avant les aspects les plus matériels de l’aventure) et le métaphysique, le second terme l’emportant peu à peu. C’est tout à fait compréhensible, mais aussi un peu dommageable… Le second concerne le défilement du temps. Celui-ci est souvent long (d’autant que le film dure deux heures). Mais cela, il n’est pas interdit de le porter au crédit du film, qui de la sorte nous plonge un peu plus encore dans l’état d’hébétude de ses tristes héros.

Yves Alion

Film français de David Oelhoffen (2023), avec Guido Caprino, Nuno Lopes, Andrzej Chyra. 2h.




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