Critique

Publié le 27 février, 2024 | par @avscci

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L’Empire de Bruno Dumont

Bien malin qui aurait pu prédire en découvrant La Vie de Jésus (1996) l’itinéraire en lacets que parcourrait son auteur. Bruno Dumont ne fait jamais rien comme tout le monde et a érigé l’art de se contredire en doctrine esthétique. Au fil de ses premiers opus, il se façonne une carapace d’ascète à la Robert Bresson à grands renforts d’interprètes non professionnels et de surgissements esthétiques. Jusqu’au jour où ses mini-séries P’tit Quinquin (2014) et Coincoin et les z’inhumains (2018) achèvent de brouiller les cartes. Avec L’Empire, il produit une sorte de synthèse de son œuvre en s’adossant à une saga emblématique du cinéma contre lequel il s’est construit : Hollywood. Ses sabres laser et ses vaisseaux spatiaux, il les transpose dans le Boulonnais et sur la Côte d’Opale où un pêcheur protège le fruit de ses entrailles : un bébé blond aux yeux bleus qui s’avère être le Margat, une sorte de Messie en devenir. Le space opera selon Bruno Dumont se concentre en priorité sur l’humanité de ses protagonistes à travers deux personnages féminins : une midinette qu’incarne Lyna Khoudri et une guerrière que campe Anamaria Vartolomei, à travers la puissance conjuguée du cœur et de l’âme et, au-delà, une certaine idée de la sainteté qui hante toute son œuvre. Avec en prime une fantaisie qu’exprime Fabrice Luchini en Belzébuth d’un palais mégalomane, face à Camille Cottin en reine dont le vaisseau spatial est une cathédrale avec des vitraux en guise de hublots. L’Empire est un film jubilatoire, à l’image de son entité en forme de gelée noire qui tient autant de Darth Vador que du Blob.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-germano-italo-belgo-portugais de Bruno Dumont (2023), avec Lyna Khoudri, Anamaria Vartolomei, Camille Cottin, Fabrice Luchini 1h50.




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