Critique

Publié le 7 novembre, 2023 | par @avscci

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Le Théorème de Marguerite d’Anna Novion

Les deux premiers films d’Anna Novion, Les Grandes Personnes et Rendez-vous à Kiruna, se déroulaient en Suède, pays dont est originaire sa mère et auquel elle est naturellement liée. Il n’est donc pas étonnant que son cinéma soit parcouru par des interrogations identitaires. Son troisième opus, Le Théorème de Marguerite, n’a rien à voir avec la Scandinavie. Mais il nous entraîne néanmoins en terre inconnue (du moins pour la majorité d’entre nous), celle des mathématiques de (très) haut niveau. Le personnage central du film est en effet une jeune mathématicienne dont toute la vie tourne autour d’une seule et même obsession, celle de résoudre une énigme mathématique, connue par les spécialistes sous le nom de Conjecture de Goldbach. La cinéaste a mis un point d’honneur à ce que tout ce qui nous est dit soit vrai. Et pas une seule ligne des kilomètres d’équations que les personnages inscrivent sur des tableaux noirs n’est pipeau… Quand on le sait, on a pour première réaction d’applaudir Ella Rumpf, qui incarne Marguerite et qui a su apprendre par cœur cette langue qui nous semble si lointaine. La seconde réaction est de se dire que si le projet est ambitieux, tous les ingrédients sont réunis pour que le film soit rasoir. Or, c’est l’inverse qui se produit : Le Théorème de Marguerite est l’un des films les plus passionnants de l’année. Parce que le sujet n’est pas les mathématiques, mais la passion lorsqu’elle explose les limites connues. Dans les travaux de Marguerite, il y a de la foi, du mysticisme même, un besoin omniprésent de se dépasser. Et toute l’aventure du film est de nous montrer comment la jeune femme parvient à retrouver une conscience d’elle-même, quitte à donner libre cours à ses désirs, en le conciliant avec ce don de soi absolu au service de sa quête. Le Théorème de Marguerite nous captive autant qu’il nous enchante. Et nous donne au passage le loisir de découvrir une comédienne intense, Ella Rumpf, qui confrontée à un professeur plus raisonnable, en tous cas plus en phase avec les règles sociales (Jean-Pierre Darroussin, le comédien fétiche d’Anna Novion, et incidemment son époux à la ville) parvient in fine à tirer son épingle du jeu. Car, en prime, et sur le fil, le film est aussi un feelgood movie…

Yves Alion

Film français d’Anna Novion (2023), avec Ella Rumpf, Jean-Pierre Darroussin, Clotide Courau. 1h52.




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