Critique

Publié le 14 février, 2023 | par @avscci

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Le Retour des hirondelles de Li Ruijun

Le cinéma d’auteur chinois connaît une traversée du désert impitoyable due pour une bonne part à une censure qui n’a fait que s’accroître. Le Retour des hirondelles n’annonce pas précisément son printemps, malgré sa présentation en compétition à la Berlinale 2022 et un succès spectaculaire en Chine qui lui a valu d’engranger cinquante fois son coût avant de se voir purement et simplement interdit. Le tort du réalisateur Li Ruijun a sans doute consisté à transgresser une déclaration officielle du Parti communiste chinois de 2021 décrétant “la fin de la pauvreté absolue”. Le Retour des hirondelles s’attache en effet à un couple d’agriculteurs qu’on croirait surgi d’un tableau de François Millet auxquels le destin n’a laissé aucune initiative. Unis par un mariage arrangé qui les a rendus heureux, ces taiseux s’usent à travailler sans relâche leur lopin de terre avec des outils et des machines d’un autre âge davantage pour survivre que pour vivre décemment. Ce sont ces travaux et ces jours comme figés dans l’espace et dans le temps que filme avec attention Li Ruijun, sur la terre même où il a vu le jour, dans la province du Gansu que ses habitants ont peu à peu abandonnée dans l’espoir de trouver une vie meilleure dans la jungle des villes. Il émane de ce film chinois naturaliste mais jamais misérabiliste quelque chose du fameux Farrebique de Georges Rouquier qui a immortalisé la paysannerie française de l’immédiat après-guerre. Les protagonistes de cette chronique nihiliste de la misère ordinaire n’ont pas besoin de parler beaucoup pour nous faire compatir à leur sort funeste.

Jean-Philippe Guerand

Yin Ru Chen Yan. Film chinois de Li Ruijun (2022), avec Wu Renlin, Hai-Qing, Yang Guangrui, Zhao Dengping 2h13.




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