Critique

Publié le 1 avril, 2022 | par @avscci

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Le Monde d’hier de Diastème

Après avoir écrit pour le théâtre, puis pour d’autres réalisateurs, après un ballon d’essai sous forme de court métrage, Diastème est passé à la réalisation de longs en 2008. Son premier opus, Du bruit des gens autour, est une ode à la gloire du Festival d’Avignon, avec (déjà) Léa Drucker, épatante en danseuse. Il est suivi par un film aussi improbable que superbe, Un Français, le portrait d’un skinhead raciste et violent qui perd peu à peu sinon ses illusions (un thème souvent visité), mais bien sa haine, et donc sa raison de vivre, ses amis, ses repères. Après une parenthèse moins marquante (Juillet aout), le cinéaste nous revient avec Le Monde d’hier, qui explore lui aussi le champ politique et tire la sonnette d’alarme quant à la prégnance de plus en plus marquée de l’extrême-droite dans le paysage français. Le film s’apparente à un genre qui eut son heure de gloire et que l’on nommait « politique fiction ». Ici le président de la république est une femme (Léa Drucker), mais elle est malade et a renoncé à briguer un second mandat. Or les élections sont incertaines et le candidat de l’extrême-droite est en embuscade. Si l’on ajoute que la campagne est polluée par une manipulation venue… de Russie, on pourra conclure que le film est vraiment dans l’air du temps. En réalité, et même s’il adresse un certain nombre de clins d’œil en direction d’hommes politiques de ces dernières années, et s’il cherche avant tout à montrer la fragilité de nos démocraties, le film prend rapidement une hauteur presque philosophique, qui souligne la solitude du pouvoir, l’étrange perméabilité entre les faiblesses individuelles et le désir intransigeant de défendre les valeurs de la République. Le Monde d’hier est un film glaçant, qui invite à voir nos chamailleries politiques comme dignes d’une tragédie grecque… et qui n’incite pas une seconde à faire partie de ce monde où il faut en permanence choisir entre le mauvais et le pire… Mais le moins que l’on puisse dire est que le réalisateur a su trouver une esthétique, un rythme, un ton d’une cohérence rare. Le film laissera des traces dans nos mémoires. Et bien des interrogations aussi : la fin n’est pas ouverte, elle est béante. Qui nous laisse sidérés, jusqu’au vertige.

Yves Alion

Film français de Diastème (2021), avec Léa Drucker, Denis Podalydès, Alban Lenoir, Benjamin Biolay. 1h29.




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