Critique

Publié le 24 mars, 2024 | par @avscci

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Laissez-moi de Maxime Rappaz

Les acteurs n’existent vraiment qu’en fonction des fantasmes qu’ils suscitent et du regard que portent sur eux ceux qui les dirigent. Les femmes sont les premières victimes de ce mécanisme qui leur vaut trop souvent de subir les avatars liés aux accidents de la vie. Jeanne Balibar a vu sa carrière en pâtir. C’est donc un plaisir d’autant plus intense de la revoir enfin aujourd’hui dans un rôle à sa démesure : celui de Claudine, une couturière qui s’autorise chaque semaine une nuit plus belle que ses jours tranquilles à veiller sur son fils unique. Tous les mardis, elle se rend en effet dans un hôtel en altitude pour y exister dans le regard d’hommes de rencontre qui disparaissent aussi vite qu’elle est entrée dans leurs bras. Jusqu’au jour où l’un d’entre eux manifeste un attachement qui la confronte à un choix inédit. Double vie que le cinéaste suisse Maxime Rappaz dépeint avec une immense délicatesse, sans jamais réduire cette incorrigible rêveuse romantique à sa coquetterie, mais en s’attachant aux sentiments complexes qui l’animent. Avec en outre un choix déterminant à travers l’époque où se déroule cette histoire : 1997, cette ère pas si lointaine où les téléphones mobiles et les réseaux sociaux n’avaient pas encore envahi nos vies. Et puis aussi le choc qu’a représenté cet été-là la mort tragique de Lady Di. Laissez-moi est le magnifique portrait d’une femme qui a besoin d’ivresse. Une éternelle amoureuse qui a sans doute vibré en lisant “Madame Bovary” et “Anna Karénine”, mais a choisi de ponctuer la banalité de son quotidien d’étreintes fugaces dans un cadre de rêve.

Jean-Philippe Guerand

Film helvéto-franco-belge de Maxime Rappaz (2023), avec Jeanne Balibar, Thomas Sarbacher, Pierre-Antoine Dubey. 1h33.




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