Critique

Publié le 14 mai, 2024 | par @avscci

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Là où Dieu n’est pas de Mehran Tamadon

Le cinéma iranien poursuit depuis 1979 une véritable croisade contre l’oubli qui rejoint sur l’autel de la mémoire des peuples d’autres combats cinématographiques : ceux du Français Claude Lanzmann, du Cambodgien Rithy Panh et du Chilien Patricio Guzmán. Dans la République islamique d’Iran, la résistance artistique a carrément engendré de nouvelles alternatives cinématographiques à travers des œuvres tournées clandestinement, de Taxi Téhéran de Jafar Panahi au Diable n’existe pas de Mohammad Rasoulof, respectivement Ours d’or à Berlin en 2015 et 2020. C’est de France que Mehran Tamadon poursuit la lutte sur le plan documentaire. Comme Mon pire ennemi sorti une semaine plus tôt, Là où Dieu n’est pas entreprend de solliciter des rescapés de la fameuse prison d’Evin. Un processus intime et douloureux que le réalisateur armé d’outils de bricolage met en scène comme un véritable travail de résilience et de deuil. De hangars en caves et en garages, affleurent d’autres souvenirs, avec un pouvoir de suggestion qui évoque les récits de captivité de l’écrivain Alexandre Soljenitsyne. Mehran Tamadon, qui se glisse parfois lui-même dans la peau de ses témoins, prend soin de préciser que son film a été réalisé avant même la naissance du fameux mouvement “Femme, Vie, Liberté” qui fédère aujourd’hui une nouvelle génération de féministes mais aussi de simples citoyennes de tous âges et de toutes origines. Ce film brutal mais nécessaire a le mérite de montrer ce que les actualités se contentent de nommer. C’est une expérience mémorielle de salubrité publique aussi nécessaire qu’éprouvante.

Jean-Philippe Guerand

Jaii keh khoda nist. Film documentaire franco-suisse de Mehran Tamadon (2023), avec Taghi Rahmani, Homa Kalhori, Mazyar Ebrahimi, Mehran Tamadon 1h52.




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