Critique

Publié le 28 novembre, 2022 | par @avscci

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Inu-Oh de Masaaki Yuasa

Inspiré du Dit des Heike, né de la tradition orale des troubadours aveugles et joueurs de luth biwas pendant l’ère de Muromachi, Inu-Oh se présente comme un nouvel épisode de ce récit fondateur qui conte la lutte de pouvoirs entre deux clans rivaux pour obtenir le contrôle du Japon au XIIIe siècle. Pour apporter sa propre pierre à cet édifice légendaire, Masaaki Yuasa s’appuie sur le roman Le Roi chien de Hideo Furukawa, qui rend hommage à la figure mystérieuse de Inu-Oh, précurseur du théâtre No dont toute trace semble avoir été systématiquement éliminée des écrits de son époque.

Pensé comme une véritable démonstration de mise en scène – parfois jusqu’à la démesure – le film se met à l’unisson des impressionnants spectacles qu’inventent ses deux héros, le chanteur aveugle Tonoma et le danseur masqué Inu-Oh, à travers un découpage extrêmement rythmé et une débauche de plans, de couleurs et de musique. Mêlant la légende et les faits historiques, jouant avec les temporalités et ne s’interdisant aucun anachronisme, il emporte d’abord par son énergie et son audace, avant de captiver également par ce qu’il exprime en filigrane sur l’art et la création. Ses deux personnages sont en effet comme les deux faces d’un même artiste (le nouveau nom choisi par Tomona, Tomoari, signifie à la fois « J’ai un ami » et « nous existons ensemble »), qui permettent à leur duo de s’élever au-dessus de tous les autres. Tout en mettant en lumière les rouages du despotisme politique qui élimine tout ce qui déroge à sa propre version de l’Histoire, Yuasa développe également l’idée d’une autre forme de puissance absolue : celle de l’art qui guérit tout, et permet à chacun de forcer son destin et de transcender son existence.

Marie-Pauline Mollaret

Film d’animation japonais de Masaaki Yuasa (2021) avec les voix de Avu-chan, Mirai Moriyama, Kenjiro Tsuda. 1h38




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