Critique

Publié le 18 mars, 2024 | par @avscci

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Il reste encore demain de Paola Cortellesi

« Tomorrow is another day », disait Scarlett O’Hara à la fin d’Autant en emporte le vent. « C’è ancora domani » affirme Delia, le personnage si différent du premier long métrage de Paola Cortellesi. Réalisatrice et interprète du rôle-titre, célèbre en Italie comme scénariste, actrice au cinéma, au théâtre et à la télévision, Paola Cortellesi a bousculé le box-office en 2023, remportant un succès éclatant avec un film en noir et blanc, loin des comédies pesantes qui prennent trop souvent la première place, chez nos voisins comme chez nous. L’argument et l’esthétique du film rappellent beaucoup Une journée particulière, d’Ettore Scola. Dans le quartier populaire du Testaccio à Rome, une femme maltraitée par son mari, battue, asservie aux tâches domestiques, engage un processus discret et obstiné d’émancipation. Le couple ressemble beaucoup à celui de Sophia Loren et John Vernon dans le film de Scola. Le fascisme est passé, on est en 1946, mais rien n’a changé apparemment pour les femmes bafouées d’Italie. Comme Anna Magnani dans Bellissima de Visconti, Delia fait des piqûres à domicile, ne pense qu’à éviter à sa fille l’esclavage qui est le sien. Ces références à Scola et à Visconti (ainsi qu’au soldat américain de Paisà de Rossellini) ne sont pas des facilités. Elles donnent au contraire une force réelle au propos de Cortellesi, féministe de son temps fidèle à la grandeur des classiques qui l’ont précédée. Le film est tenu, émouvant, avec de belles inventions visuelles (par exemple la façon dont sont racontées comme en rêve les violences conjugales sans les édulcorer un seul instant). La libération de Delia se fait avec un mélange de douceur, de courage, d’entêtement qui force l’admiration. Le final du film est imprévisible et très brillant, moralement, politiquement, esthétiquement.

René Marx

C’è ancora domani. Film italien de Paola Cortellesi (2023), avec Paola Cortellesi, Valerio Mastandrea, Giorgio Colangeli, Emanuela Fanelli. 1h58.




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