Critique

Publié le 20 octobre, 2022 | par @avscci

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Hi Han de Jerzy Skolimowski

Le doyen de la compétition, 84 ans au compteur, propose peut-être le film le plus libre de cette 75e édition cannoise, qui ne s’embarrasse d’absolument aucune contrainte narrative, et nous embarque dans un périple initiatique épique et cinglant aux côtés d’un âne ballotté d’un maître à l’autre. En faisant de l’animal son personnage principal, témoin muet des horreurs du monde, Jerzy Skolimowski interroge les rapports de l’Humanité avec la nature, et donc – par rebond – avec elle-même. Maltraitance animale, exploitation éhontée, élevage intensif côtoient ainsi la cruauté et la violence à l’égard des plus fragiles, et plus généralement l’absurdité des sociétés humaines. En alternance, il nous plonge dans de longues séquences contemplatives au milieu d’une végétation ou d’éléments naturels libérés de la présence de l’Homme, et dont il capte la beauté majestueuse dans des plans d’une fulgurance sidérante. Il n’hésite pas pour cela à utiliser des jeux de filtres (comme dans la sublime et fusionnelle scène d’ouverture, entre l’âne et sa dompteuse, filmée dans des tons rouges et noirs hypnotiques) et à recourir parfois aux très gros plans, notamment sur les yeux terriblement expressifs de son protagoniste. On est ouvertement dans un cinéma de recherche qui éprouve moins de nécessité à raconter ou expliquer qu’à tenter d’adapter son langage visuel à ses ambitions sensorielles et plastiques, nous invitant à une errance envoûtée doublée d’une démonstration glaçante des effets de la domination humaine sur son environnement.

Marie-Pauline Mollaret.

Eo. Film polonais de Jerzy Skolimowski (2022) avec Isabelle Huppert, Lorenzo Zurzulo, Sandra Drzymalska. 1h27




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