Critique

Publié le 23 mai, 2024 | par @avscci

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Foudre de Carmen Jaquier

Été 1900, au fin fond d’une vallée du Valais. Une jeune fille qui s’apprêtait à prononcer ses vœux au terme de cinq années passées dans un couvent coupé du monde est appelée à retourner parmi les siens afin de pallier la soudaine disparition de sa sœur aînée et assumer ses nouvelles responsabilités familiales. Un retour à la vie normale qui coïncide chez elle aux tourments traditionnels de l’adolescence, mais où sa longue absence a creusé un profond fossé avec le milieu campagnard dont elle est issue. Foudre décrit une époque et un monde rarement représentés au cinéma sinon dans quelques films pittoresques et certaines adaptations de l’écrivain suisse Charles Ferdinand Ramuz. La foi y est associée à la peur du châtiment suprême et à des superstitions irrationnelles indissociables de la frustration sexuelle infligée aux femmes par une société rigoriste. Carmen Jaquier a toutefois choisi de mettre en scène ce sujet sans céder à la tentation du pittoresque associée à la reconstitution. Difficile de ne pas mentionner l’intensité de la composition de Lilith Grasmug, aux antipodes de son rôle récent dans La Morsure. Elle embrase de l’intérieur son personnage et donne à sa soif de désir, qui passe par le baiser plutôt que par la copulation, une dimension universelle d’où est exclue toute perversité. Les femmes y sont niées en tant qu’êtres humains et assujetties à un statut d’objet reproducteur. Une vision saisissante qui confère à ce portrait de groupe avec dames une rare intensité par sa démonstration toute en finesse que subliment les images somptueuses ciselées par Marine Atlan.

Jean-Philippe Guerand

Film suisse de Carmen Jaquier (2023), avec Lilith Grasmug, Mermoz Melchior, François Revaclier, Sabine Timoteo. 1h32.




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