Critique Eva en août d'Itsaso Arana

Publié le 6 août, 2020 | par @avscci

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Eva en août de Jonás Trueba

Voici un film très singulier, presque à contre-courant, qui ose prendre son temps et s’abandonner parfois à la pure contemplation. Il s’attache à une trentenaire qui décide de rester à Madrid, au moment même où tous ses amis sont partis en vacances. C’est avec les yeux d’une touriste qu’elle décide de redécouvrir sa ville livrée à une nouvelle population : les touristes. Fils prodigue de Fernando Trueba (L’Artiste et son modèle), Jonás Trueba évite toutes les facilités auxquelles aurait pu prêter un tel prétexte narratif. Très vite, il apparaît que cette quête relève de l’introspection. En se laissant porter par la torpeur du mois d’août dans un lieu familier qui lui devient soudainement étranger parce qu’il est dépossédé de ses habitants habituels, Eva cherche à se ressourcer pour trouver un nouveau sens à sa vie. La beauté de cette chronique naît de ses petits riens qui revêtent parfois une importance considérable. Eva en août a le culot d’accorder une importante exacerbée à des détails généralement invisibles dans les autres films. Les morceaux de bravoure sont ici des instants souvent anodins où la fiction se nourrit de la réalité documentaire. L’important, c’est le regard souvent émerveillé que porte cette jeune femme sur le monde qui l’entoure. D’ailleurs, elle ne parle que très peu et se plaît davantage à ouvrir les yeux pour voir enfin ce à quoi elle n’a jamais prêté attention auparavant. Comme si cette épreuve qu’elle s’impose en s’astreignant à la solitude pour mieux se perdre n’était destinée qu’à l’aider à revenir mieux armée parmi la foule. Cinématographiquement, la mise en scène assume son caractère contemplatif et transgresse les codes narratifs habituels, au point de donner l’impression au spectateur qu’il a passé un mois avec une jeune femme attachante qui est loin d’avoir révélé tous ses mystères, tant on en sait finalement peu sur elle.

Jean-Philippe Guerand

La Virgen de agosto. Film espagnol (2019) de Jonás Trueba, avec Itsaso Arana, Vito Sanz, Isabelle Stoffel. 2h09. 




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