Critique Effacer l'historique de Gustave Kervern et Benoït Délépine

Publié le 26 août, 2020 | par @avscci

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Effacer l’historique de Gustave Kervern et Benoît Delépine

Comme Quentin Dupieux, le tandem Kervern-Delépine creuse son propre sillon au sein d’un genre aux codes établis : la comédie. Avec Effacer l’historique, les deux compères s’attaquent aux nouveaux croquemitaines de l’ère Internet : ces Gafa qui ont soumis des prolétaires traditionnels à un nouveau mode d’esclavagisme contre lequel ils sont bien décidés à lutter. Lorsqu’une femme victime d’un chantage à la sextape, le père d’une élève soumise au harcèlement et un chauffeur VTC sous-exploités s’unissent pour demander des comptes aux grands manitous des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, c’est dans une véritable croisade que se lancent ces damnés de la terre. Plus narquois que jamais, les auteurs du Grand Soir (2011) et d’I Feel Good (2017) traitent sous la forme de fable ce phénomène moderne qui a réduit la fracture numérique par une paupérisation accrue des laissés-pour-compte de la société de consommation. Sous la comédie, affleure toutefois une attaque en règle qui cible le pouvoir occulte de la Silicon Valley en opposant à la puissance des multinationales américaines le bon sens rassurant des fameux Gaulois réfractaires. Le résultat est souvent savoureux, parfois outrancier, mais témoigne constamment d’une salubre pugnacité qui a valu au film l’Ours d’argent du 70e anniversaire lors de la dernière Berlinale. Une consécration flatteuse qui a pu choquer certains puristes, la comédie demeurant toujours un genre méprisé par les festivals. Ce serait faire bien peu de cas de l’originalité de ce constat impitoyable qui joue à dessein la carte de la poésie pour aborder plus efficacement un sujet ô combien abstrait. Effacer l’historique possède au moins deux qualités indiscutables : son audace narrative et la singularité de sa distribution menée par deux personnalités féminines au summum de leur popularité, la fantaisiste Blanche Gardin et l’actrice engagée Corinne Masiero.

Jean-Philippe Guerand

Film franco-belge de Gustave Kervern et Benoît Delépine (2019), avec Blanche Gardin, Denis Podalydès, Corinne Masiero 1h46.  




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