Publié le 23 mai, 2019 | par @avscci
0Sibyl de Justine Triet
C’est fou comme le thème du souvenir (et du temps qui passe) s’est imposé en ce 72è Festival de Cannes. Lelouch, Almadovar et d’autres ont ouvert la voie. Justine Triet apporte à son tour une pierre à l’édifice. Le film se plait d’ailleurs à multiplier les niveaux de narration puisque l’héroïne (Virginie Efira) est une psychanalyste qui laisse tomber sa patientèle pour se reconvertir en romancière. Mais elle ne peut se détacher d’une jeune femme (Adèle Exarchopoulos), comédienne de son état, qui vit un drame traumatisant. Ce qui permet au film d’aborder le thème du romanesque et de l’amour qui consume tout en nous entraînant sur le plateau d’un tournage. Autant le dire, Justine Triet nous tend bien des verges pour se faire battre. D’abord parce que son sens du romanesque l’entraîne par moments sur les rivages du roman-photo (on ne fait plus raisonnablement aujourd’hui l’amour devant un feu de bois, sauf dans les films de Marc Dorcel) et sa façon d’adresser force clins d’œil aux cinéphiles (la trame ne peut pas ne pas nous faire loucher vers Le Mépris, de Godard, le choix du lieu de tournage du film dans le film nous oblige à nous souvenir du Stromboli de Rossellini) est parfois embarrassante. Pour autant il ne faudrait pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le portrait qui nous est présenté, celui d’une femme en plein désarroi, ne manque pas de susciter une vraie émotion. D’autant que c’est la toujours impeccable Virginie Efira qui mène la danse. La cinéaste l’avait déjà placée au cœur de son film précédent, Victoria, qui explorait quant à lui et sur un ton personnel les rives de la comédie sentimentale. Il est sans doute trop tôt pour en tirer des conclusions, mais il n’est pas impossible qu’en l’espace de trois films, Justine Triet ait tenté de visiter le cinéma sous différentes formes tout en imprimant une marque personnelle qui ne demande qu’à s’affirmer. Ce ne serait en tous cas déjà pas si mal…
Yves Alion
Film français de Justine Triet (2019), avec Virginie Efira, Adèle Exarchopoulos, Gaspard Ulliel. 1h40.