Critique Seules les bêtes de Dominik Moll

Publié le 30 décembre, 2019 | par @avscci

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Seules les bêtes de Dominik Moll

Sur un plateau isolé du monde, la disparition d’une femme entraîne des chassés  croisés, des méprises et des malentendus impliquant plusieurs personnes qui la connaissaient. Cinéaste rare, au propre comme au figuré, Dominik Moll renoue ici avec le goût de l’étrange qui avait valu un beau succès à son deuxième long métrage, Harry, un ami qui vous veut du bien (2000). Il tisse avec habileté un écheveau humain sur le registre du drame psychologique choral. C’est avec son complice habituel, Gilles Marchand, qu’il a conçu l’adaptation d’un roman noir de Colin Niel situé dans le cadre aride des Causses où les quelques agriculteurs restants subsistent tant bien que mal. Loin d’adopter le point de vue sociologique d’Hubert Charuel dans Petit Paysan ou d’Édouard Bergeon dans Au nom de la terre, tous deux fils d’agriculteurs, Dominik Moll confronte cet isolement suicidaire à la proximité factice induite par les réseaux sociaux. Jusqu’à l’absurde lorsqu’un internaute trop candide se laisse duper par des escrocs agissant depuis l’autre bout de la planète. Ce cruel jeu de miroirs offre par ailleurs des rôles qui sont le plus souvent des contre-emplois à des interprètes aussi inspirés que Denis Ménochet, Laure Calamy, Valeria Bruni Tedeschi, Damien Bonnard ou Bastien Bouillon. Ce superbe entrelacs repose sur une série de rencontres et de chassés croisés pour esquisser le portrait de la fameuse France des invisibles dont l’anonymat médiatique épouse la topographie de cette fameuse diagonale du vide dénoncée sans relâche par les économistes. Comme un portrait craché de notre monde globalisé.

Jean-Philippe Guerand

Film français de Dominik Moll (2019), avec Denis Ménochet, Laure Calamy, Valeria Bruni Tedeschi 1h57.




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