Publié le 10 avril, 2019 | par @avscci
0Ray & Liz de Richard Billingham
Le cinéma britannique se conjugue souvent à la première personne du singulier, comme l’attestait récemment encore le magnifique Rosie Davis écrit par Roddy Doyle. Ray & Liz est peu ou prou l’équivalent cinématographique de l’autofiction si chère à la littérature française… Le photographe Richard Billingham y règle ses comptes sans ménagement vis à vis de sa famille, à travers l’évocation de sa jeunesse banlieusarde à Birmingham dans les années 80. Il choisit pour cela d’en retenir trois souvenirs qui soulignent l’impuissance de ses parents à prendre le contrôle de leur vie et à accompagner leurs enfants. Le constat est amer mais pas exempt de tendresse. Comme si son film lui permettait de formuler ses pensées mieux que les paroles et les mots, en donnant une autre vie à sa série de photos intitulée “Ray’s a Laugh” qui constitue le squelette de ce film qu’on peut qualifier d’écorché. Ray & Liz ressemble en cela à une sorte d’exorcisme psychanalytique. Comment peut-on grandir paisiblement lorsqu’on a pour père un alcoolique et pour mère une femme obèse et tatouée ? La question est d’autant plus cruelle que Billingham tente d’y répondre sans la moindre complaisance et dresse un constat dont on comprend assez vite que c’est devenu pour lui une nécessité. D’où l’impression étrange que cette tragédie aux personnages rugueux et malmenés est la bouée de sauvetage d’un survivant qui a réussi à échapper au pire. Avec ce film, il nous offre quelques pages arrachées à son album de famille.
Jean-Philippe Guerand
Film britannique de Richard Billingham (2018), avec Richard Ashton, Jamie-Lee Beacher, Michelle Bonnard. 1h48.