Critique Qu'un sang impur d'Abdel Raouf Dafri

Publié le 3 février, 2020 | par @avscci

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Qu’un sang impur d’Abdel Raouf Dafri

C’est avec une certaine mauvaise foi que l’on fustige le cinéma français, incapable de s’être emparé de la guerre d’Algérie quand Hollywood ne laissait pas passer un mois sans aborder le conflit vietnamien. De Vautier à Garcia, en passant par Schoendoerffer, Heynemann, Béhat, Arcady, Rouan, Herbiet, Siri et bien d’autres, nombre de cinéastes français peuvent témoigner de leur passion pour cette guerre sans nom (comme ont si bien su le dire Rotman et Tavernier). Cela étant dit, cela n’est pas une raison pour ne pas remettre le thème une nouvelle fois sur le métier, et Qu’un sang impur le fait avec un certain panache. D’abord parce que le cinéaste (que l’on connaissait jusqu’ici comme scénariste, notamment pour Jacques Audiard) ne rechigne pas à quitter les rivages du film politique pour aborder ceux du film de genre, avec des personnages plus grands que nature (et toujours très typés) et des situations qui lorgnent volontiers vers le mélodrame. Ensuite parce la réalisation est à la hauteur du projet, qui sait marier des paysages anxiogènes et un sens du rythme qui ne nous laissent jamais indifférents. Pour le cinéphile il est un autre attrait de ce film assez inclassable, celui de lorgner ostensiblement vers Apocalypse now. Bien sûr, nous n’avons ici aucun vol d’hélicoptères au son des Walkyries, ni aucun officier qui rêve de faire du surf sur les rives de la Méditerranée. Mais c’est au fond la même quête un rien métaphysique de la part d’hommes revenus de l’indicible (chaque camp étant en partie gangréné par des oppositions irréductibles), le même face-à-face entre celui qui cherche (Johan Heldenbergh remplaçant Martin Sheen) risquant sa vie de façon au fond absurde et celui qui a fini par se terrer au fond d’un no man’s land oublié de tous en attendant on ne sait quoi (Olivier Gourmet nous proposant une variation étonnante du personnage de Marlon Brando). Il y aurait mille raisons évidemment de regarder tout cela de haut, voire de ricaner. Mais nous avons pour notre part la tentation au final (et malgré bien des maladresses) de tirer notre chapeau.

Yves Alion

Film français d’Abdel Raouf Dafri (2019), avec Johan Heldenbergh, Linh-Dan Pham, Olivier Gourmet. 1h49.




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