Critique Les Oiseaux de passage de Ciro Guerra et Cristina Gallego

Publié le 10 avril, 2019 | par @avscci

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Les Oiseaux de passage de Ciro Guerra et Cristina Gallego

La scène d’ouverture est trompeuse : on y voit une jeune fille enveloppée d’un long voile rouge danser au son des tambours. Devenue femme, elle est en âge de se marier, et provoque la rencontre entre les deux véritables personnages principaux du film : sa mère, cheffe de clan prête à tout pour sauvegarder les valeurs ancestrales de son peuple, et son futur mari, qui souhaite rompre avec le passé pour adopter les coutumes modernes. Tout d’abord réunis autour d’un but commun, celui de faire prospérer leur famille via le commerce de la marijuana, ces deux-là finiront par s’opposer, dépositaires chacun d’une vision contraire du monde.

C’est sur cette trame assez classique (entre naissance des cartels de drogue dans le nord de la Colombie et fresque familiale mouvementée) que Ciro Guerra (dont le film précédent, L’Etreinte du serpent, fut un coup de maître) et Cristina Gallego tissent ce récit violent et habité sur l’effondrement d’un monde. Malgré cet aspect familier, l’écriture sèche et précise permet de transcender situations convenues et rebondissements prévisibles pour en faire une sorte de récit originel de l’Humanité. Il y a en effet dans le film quelque chose de la tragédie grecque transposée chez les Indiens Wayuus.

La mise en scène et surtout le sens du cadrage du duo de réalisateurs offrent par ailleurs un écrin somptueux et envoûtant à cette guerre fratricide atemporelle et allégorique qui prend place dans des paysages sublimés. Les Oiseaux de passage nous renvoie ainsi à notre propre rapport à nos racines, et à une nature dont l’Homme veut de plus en plus s’abstraire, ignorant qu’en lui tournant le dos, c’est de lui-même qu’il se détourne.

Marie-Pauline Mollaret

Pájaros de verano. Film colombien de Ciro Guerra et Cristina Gallego (2018), avec  José Acosta, Carmiña Martinez, Jhon Narvaez. 2h01




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