Publié le 27 septembre, 2018 | par @avscci
0Le vent tourne de Bettina Oberli
C’est une histoire d’une banalité angélique. Un couple d’agriculteurs épuisé par sa routine quotidienne voit débarquer un installateur d’éoliennes qui va faire miroiter une autre vie à l’épouse. Si la notion de cinéma de femme possède un sens, il s’exprime dans Le vent tourne par la façon qu’a Bettina Oberli de cadrer ses trois protagonistes et plus particulièrement une Mélanie Thierry lumineuse, aux antipodes du tourment qu’elle exprimait dans La Douleur d’Emmanuel Finkiel. La caméra n’hésite pas à caresser la peau de la comédienne pour mieux nous faire ressortir le réveil de son corps sous l’effet de la passion amoureuse. Le film se présente par ailleurs comme une alternative sentimentale au fameux Petit Paysan d’Hubert Charuel en dressant un constat sans appel de la condition peu enviable de ces jeunes agriculteurs écartelés entre l’isolement affectif auquel s’attache l’émission L’amour est dans le pré et la pression économique qui les contraint à travailler comme des bêtes, quand elle ne les pousse pas au suicide. Avec en prime le poids du fantasme écologique. Vaste florilège de thématiques que Le vent tourne aborde d’un point de vue purement humain, sans céder à la tentation du grand discours politique ou existentiel. En proie au doute, le personnage féminin que filme Bettina Oberli voit vaciller ses certitudes. Comme si elle découvrait tout d’un coup la réalité du monde qui l’entoure et dont elle vit coupée. Il y a beaucoup de justesse dans ce magnifique portrait de femme.
Jean-Philippe Guerand
Film suisse de Bettina Oberli (2018), avec Mélanie Thierry, Pierre Deladonchamps, Nuno Lopes. 1h27.
Critique en partenariat avec l’ESRA.