Critique

Publié le 23 avril, 2024 | par @avscci

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Civil War d’Alex Garland

159 ans après la fin de la Guerre de Sécession, 53 ans après la sortie de Punishment Park (de Peter Watkins) qui montrait la vertigineuse déchirure entre l’Amérique profonde et les tenants de la contre-culture au moment de la guerre du Vietnam, 11 ans après celle de La Chute de la Maison-Blanche (d’Antoine Fuqua) qui insistait sous ses dehors de film d’action bas du front sur la vulnérabilité du pouvoir présidentiel, voici Civil War. Qui est bel et bien, comme son nom l’indique un film de guerre (avec toutes les images qui s’y rapportent) au cœur de l’Amérique. Nous suivons un groupe de reporters au cœur de la tourmente, sur la route de Washington, au moment où les troupes sécessionnistes convergent vers la Maison-Blanche. La traversée cauchemardesque d’une Amérique dont l’imagerie ordinairement souriante se mue en un rictus glaçant. Ce road movie pas comme les autres est absolument remarquable, quant à sa dramaturgie, l’équilibre entre la descente aux enfers des personnages et les signes extérieurs de la violence étant parfait (et la défense du métier de journaliste est magnifique). Mais aussi quant à sa mise en scène, le choix ayant été fait de rester à hauteur d’homme plutôt que de multiplier les effets spéciaux. Jusqu’à l’assaut de la Maison-Blanche, qui glisse un peu dans la démesure. Nous avons tous en mémoire l’assaut du Capitol il y a deux ans, mené par des trumpistes fanatiques. Alex Garland, le réalisateur n’a pas pu ne pas y penser, c’est peut-être même le déclencheur de son film. Mais il reste volontairement flou sur les forces en présence, ne prenant pas vraiment part dans ce conflit dont on ignore les enjeux. C’est parfois frustrant, mais au final plutôt malin, le film prenant des hauteurs métaphysiques qui n’empêchent en rien notre indignation et notre désespoir devant un gâchis qui pour être du domaine fictionnel est bel et bien dans l’air du temps.

Yves Alion

Film américain d’Alex Garland (2024), avec Kirsten Dunst, Wagner Moura, Cailee Spaeny. 1h49.




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