Critique

Publié le 24 février, 2023 | par @avscci

0

Chevalier noir d’Emad Aleebrahim-Dehkordi

Réalisateur de deux courts métrages repérés (Lower Heaven en 2017 et Cavalière en 2020), Emad Aleebrahim-Dehkordi nous plonge dans un Téhéran clandestin méconnu, celui d’une certaine jeunesse dorée et insouciante. C’est par l’intermédiaire d’Iman, un jeune homme du quartier Nord de la ville, que l’on entre dans ce milieu qui n’a pas grand-chose à envier aux jet-setteurs du monde entier. Ici, l’alcool, la drogue et l’argent coulent à flots, ce qui offre au personnage principal, issu d’un milieu moins favorisé et rêvant de s’improviser dealer de luxe, la perspective de changer radicalement de vie. 

À cette intrigue relativement classique autour d’un légitime désir d’ascension sociale, le cinéaste ajoute une chronique familiale sensible (à travers la relation complice qui unit Iman à son jeune frère Payar) et le portrait d’une ville – et d’une société – en pleine mutation, dans laquelle les rapports de classe jouent un rôle implicite, mais extrêmement prégnant. Qu’il s’agisse d’Iman qui cherche à se faire accepter par ses nouveaux amis, ou de Payar qui fréquente une jeune femme expatriée issue d’une famille plus aisée, les deux frères font en effet en parallèle l’expérience d’un plafond de verre implicite qui les empêche d’être totalement à leur place hors de leur milieu d’origine. 

Cela fait bien sûr beaucoup de thèmes entremêlés, et il est vrai que le scénario s’enlise parfois, notamment dans une partie finale qui est plus convenue et relativement prévisible. Mais ce sont moins ces rebondissements de thriller tragique que ses à-côtés intimes et sociétaux qui retiennent l’attention du spectateur. Car cette manière de filmer la réalité contemporaine de l’Iran, son énergie et son urgence, tranche avec l’imagerie généralement véhiculée par un cinéma local qui donne parfois à voir ce que l’Occident attend de lui. Toujours en mouvement, empli d’un mélange de rage et de détermination, Omid – magistralement interprété par Iman Sayad-Borhani – incarne avec fièvre le visage de cette jeunesse que l’on imagine aujourd’hui vent debout contre l’oppression en Iran, bien sûr, mais plus largement partout où de tels mouvements s’élèvent. 

Marie-Pauline Mollaret

A tale of Shemroon. Film iranien d’Emad Aleebrahim-Dehkordi (2022), avec Iman Sayad-Borhani, Payar Allahyari, Masoumeh Beygi. 1h42




Back to Top ↑