Publié le 24 mars, 2022 | par @avscci
0Bruno Reidal, confession d’un meurtrier de Vincent Le Port
Avec une verve de critique parisien, on pourrait présenter Bruno Reidal comme un film de sérial killer revisité par Robert Bresson, ce qui pourrait donner une petite idée des partis pris esthétiques tout en étant, évidemment, réducteur. Néanmoins, en revisitant un fait divers sombre du début du XXè siècle, ce premier long métrage français propose une sécheresse, une sobriété, qui incite ces comparaisons et donne à l’objet sa singularité. Tout le récit est une plongée subjective dans les pensées d’un jeune homme de famille humble qui, grâce à d’évidentes capacités intellectuelles, semble s’élever dans la méritocratie de l’époque. Ascension qui est en fait une forme de façade, régulièrement brisée par la voix off, un monologue intérieur qui expose les tentations morbides et la violence intérieure de l’adolescent. Jusqu’à ce que, finalement, il passe à l’acte, par le meurtre d’un enfant. Bruno Reidal renverse les codes du film criminel, ou même du drame psychologique, pour décrire avec rigueur et dénuement, un vide, un mystère. Les intentions du protagoniste sont certes transparentes, et présentées avec une sorte de simplicité par l’intéressé, mais leur évidence même semble agir comme un trompe-l’œil. Comme si, au milieu de ses plans fortement composés et épurés à la fois, au milieu de cette tragédie dont la fin ne laisse jamais guère de doute, demeurait un point d’interrogation fascinant et muet, incarné par le visage de l’acteur, à peine troublé par la frustration sexuelle, l’élément le plus récurrent du récit, voire de ses explications. Les clichés actuels sur la banalité du mal prennent ici une forme simple, du coup plus proche et troublante que bien d’autres confessions.
Pierre-Simon Gutman
Film français de Vincent Le Port (2021), avec Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent. 1h41. Sortie le 23 mars.