Critique

Publié le 17 février, 2024 | par @avscci

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Bob Marley: One love de Reinaldo Marcus Green

Qu’est-ce qui a bien pu prendre autant de temps ? Mort au début des années 1980, avant la maturité de la quarantaine, Bob Marley a touché les bénéfices liés à sa disparition, ceux d’une iconisation ayant le mérite de n’être jamais touché par le réel. Comment Hollywood a pu attendre plus de quarante ans avant de s’attaquer à l’évidence, soit un biopic forcément juteux de la star, toujours aussi populaire, avec la promesse d’un double jackpot (le film et la ressortie des classiques de l’artiste) à la clé ? Les droits sans doute, ici libérés par Ziggy Marley en personne, pour servir un récit hollywoodien efficace et convenu. Le film se permet au moins une élégance : il évite les pièges du film biographique, donc, en se concentrant sur une période de la vie du chanteur, et non sur toute son existence ramassée en une heure quarante. Plus précisément, le récit tourne autour des retombées de l’attaque armée contre Marley et de sa tentative de pacifier, par la musique, une Jamaïque alors en proie à des violences politiques intenses. Pour le reste, tout y est : l’acteur charismatique, l’émotion, la musique, les clins d’œil aux fans, la simplification pour les non-initiés. En fait, One Love pose la même question que la série récente de Danny Boyle consacrée aux Sex Pistols, là aussi du bel ouvrage irréprochable, mais si loin de son sujet. Peut-on livrer des longs métrages aussi convenus sur des artistes qui furent subversifs, révolutionnaires ? Todd Haynes avait répondu de manière bien plus riche et pertinente sur les cas Bowie et Dylan. Marley et les Pistoles, musiciens du chaudron des années 1970, sont eux statufiés et momifiés dans des films bien faits et professionnels, qui captent l’apparence et délaissent l’âme.

Pierre-Simon Gutman

Film américain de Reinaldo Marcus Green (2023), avec Kingsley Ben-Adir, Lashana Lynch, James Norton. 1h47.




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