Critique

Publié le 10 novembre, 2022 | par @avscci

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Armageddon Time de James Gray

Darius Khondji, qui avait déjà éclairé The Immigrant en 2013, raconte que Gray lui avait donné comme référence À la recherche du temps perdu pour ce récit autobiographique sur son enfance dans le quartier de Queens au début des années 80. Mais Armaggedon Time fait penser d’abord aux Quatre Cents Coups. Deux citations sont transparentes : le personnage est accusé de plagiat alors qu’il s’est inspiré d’une œuvre qu’il a aimée : Gray substitue Kandinsky au Balzac de Truffaut. Les deux copains indisciplinés volent un ordinateur quand Antoine et René piquaient une machine à écrire. C’est aussi Truffaut auquel on pense quand est évoqué le sort malheureux d’enfants que les adultes oublient de respecter, les angoisses de son personnage, le racisme qui frappe son meilleur ami. La famille de Gray est moins perturbée que celle d’Antoine Doinel. La tendresse lucide de son grand-père, les hésitations existentielles de ses parents, le témoignage sur un monde où s’affrontent Carter et Reagan, où la famille Trump sévit déjà, où la conquête spatiale fait encore rêver les enfants, où costumes et décors appartiennent à un univers déjà révolu, tout cela n’appartient qu’à Gray. Il le restitue avec une émotion que certains jugeront mièvre ou convenue. Alors que, comme chez Truffaut, la simplicité apparente du récit dissimule de bout en bout une gravité qui mêle l’autobiographie presque littérale à une critique sociale puissante. Gray évoque le passé mais aussi, implacablement, l’Amérique d’aujourd’hui, dans un mouvement narratif qui va beaucoup plus loin que la reconstitution d’une enfance désormais lointaine.

René Marx

Film américain de James Gray (2022), avec Anne Hathaway, Jeremy Strong, Banks Repeta, Anthony Hopkins, Jaylin Webb. 1h55.




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