Livres

Publié le 16 janvier, 2024 | par @avscci

0

Actu Livres – Hallyuwood, le cinéma coréen de Bastian Meiresonne

Le spécialiste de cinéma asiatique, programmateur et réalisateur Bastian Meiresonne propose un ouvrage colossal et foisonnant sur le cinéma coréen de ses origines (en 1919) à nos jours, conçu comme une véritable bible, richement illustrée, et cherchant à en couvrir à la fois toutes les périodes et les spécificités. Sa construction chronologique permet de le dévorer de bout en bout, tel un roman passionnant dans lequel on (re)découvre à quel point l’histoire de la création cinématographique coréenne est intimement liée à celle du pays (occupation japonaise, guerres, partition, censure) et plus globalement au contexte social et politique de la région. Mais il est également possible de picorer au gré de ses envies parmi les multiples thématiques abordées, qu’il s’agisse des genres comme le western, les films anti-communistes ou érotiques, des spécificités locales comme l’importance des bonimenteurs byeonsas dans les premières décennies, ou encore de coups de projecteur sur des réalisateurs en particulier, de Na Un-gyu à Bong Joon-ho. Le titre de l’ouvrage (qui joue sur l’ambiguïté du mot hallyu, désignant le déferlement de produits coréens dans le monde depuis la fin des années 1990, mais signifiant aussi « vague » en coréen) annonce parfaitement la couleur : si l’on a parfois eu l’impression d’un tsunami d’auteurs incontournables venus de Corée du Sud ces vingt dernière années, il ne faudrait pas qu’il cache la multitude qui les a précédés, ancrant profondément les bases de cette cinématographie qui compte parmi les plus enthousiasmantes du monde. Par exemple, saviez-vous que le célèbre Deux Soeurs de Kim Jee-won (2003), premier succès mondial du film d’horreur coréen, est l’un des (nombreux) remakes de The Story of Jang-hwa and Hong-ryeon de Kim Yeong-hwan [ci-dessus], premier film d’horreur coréen sorti en 1924, lui-même adapté d’un conte traditionnel ? Autre point d’intérêt, le bref panorama des femmes réalisatrices : bref par la force des choses, puisque la liste en elle-même est courte, tant il a été – et il demeure – difficile de faire des films en Corée lorsque l’on est une femme. On retiendra le nom de la pionnière Park Nam-ok qui, en 1954, emprunte de l’argent à sa sœur pour réaliser son seul et unique long métrage, Widow, et doit emmener son bébé sur le tournage parce que personne n’a accepté de le garder. Sans surprise, devant un tel manque de soutien, sa carrière s’arrêtera là. Près de soixante-dix ans plus tard, les réalisatrices doivent continuer à se battre pour leurs films, y compris lorsque, comme July Jung (sélectionnée à la Quinzaine des réalisateurs en 2014 avec A Girl at my door, avant d’attendre huit ans pour réaliser le suivant, About Kim Sohee [ci-dessous], qui sera lui présenté à la Semaine de la critique), elles rencontrent un certain succès. Et l’avenir dans tout ça ? Qu’il passe par l’adaptation des webtoons (contraction de web et cartoons), véritable spécificité coréenne, ou par les plateformes de streaming, il s’annonce comme partout ailleurs incertain, mais débordant de créativité. Ce qui donnera peut-être lieu à une édition enrichie de l’ouvrage (oui, on en redemande).

Marie-Pauline Mollaret

Hallyuwood, le cinéma coréen, par Bastian Meiresonne, édition EPA, 325 pages.




Back to Top ↑