Critiques DVD La belle équipe de Julien Duvivier

Publié le 31 mai, 2016 | par @avscci

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Actu DVD mai 2016 – Trois films de Julien Duvivier

On a beau savoir que Julien Duvivier est l’un des plus grands cinéastes français de tous les temps, il reste beaucoup à faire pour que le grand public en soit persuadé, certains cinéphiles conservant de leur côté des réticences à encenser l’œuvre du signataire de Marie-Octobre. Ce qui n’est évidemment pas le cas de Patrice Leconte, qui a signé avec Monsieur Hire une adaptation d’un roman éponyme de Simenon que Duvivier avait porté à l’écran sous le titre Panique, un numéro (double) de l’ASC en portant témoignage. Rappelons que Leconte avait choisi Pépé le moko pour apporter sa pierre à notre numéro 600, parmi les 23 cinéastes qui en avaient fourni le contenu. En tout cas la sortie en DVD de trois des chefs-d’œuvre les moins contestables du maître ajoute à l’évidence de la nécessité d’une relecture de son œuvre.

Réalisé en 1936, le premier d’entre eux, La Belle Équipe, constitue l’un des témoignages les plus vibrants de l’esprit du Front populaire (avec Le Crime de Monsieur Lange, de Renoir). À travers l’histoire d’un groupe de copains qui ayant gagné à la loterie, entreprend de monter une guinguette, c’est en effet un élan collectif que le cinéaste illustre, accompagné pour la circonstance par un verre de blanc et un air d’accordéon. Mais les contingences matérielles et les passions amoureuses jetteront à bas le bel édifice pour déboucher sur une fin tragique que n’aurait pas renié le tandem Carné-Prévert. La fin fut jugée trop noire par la production, qui demanda que l’on tourne un autre épilogue. C’est d’ailleurs un désaccord des ayants droit des auteurs sur le bien-fondé de la fin heureuse qui a empêché l’édition vidéo du film pendant de longues années. Les responsables de Pathé ont su mettre fin à notre frustration, on ne les remerciera jamais assez.

La fin du jour de Julien Duvivier

La Fin du jour suit La Belle Équipe de deux ans dans la filmo de Duvivier (les deux films ont en commun d’avoir été coécrits par Charles Spaak, l’immense scénariste de La Grande Illusion). C’est une œuvre clairement crépusculaire qui se situe dans une maison de retraite pour comédiens en fin de vie. L’occasion pour quelques monstres sacrés (Jouvet, Simon) de se livrer à des numéros d’anthologie. Avec le talent de nous faire croire à leur grand âge (Simon n’a en fait que 43 ans au moment du tournage, Jouvet huit de plus). Mais le film se veut également, cela va de soi, une réflexion sur le vrai et le faux, sur l’ardente obligation des comédiens de donner vie à d’autres personnages jusqu’à parfois y perdre la raison. En éternel gamin qui ne se remet pas d’avoir raté sa vie, Michel Simon est prodigieux. En Don Juan pathétique et pervers, Louis Jouvet n’a rien à lui envier. Mais tous les autres pensionnaires de la maison valent également le déplacement…

Voici le temps des assassins de Julien Duvivier

Tourné après la guerre (en 1956), Voici le temps des assassins est sans doute plus noir encore que les deux films précédents. Duvivier retrouve Jean Gabin (qui était en tête d’affiche de La Belle Équipe), un Gabin vieilli, patriarche bonhomme et restaurateur comblé. Qui se voit courtisé par une jeune femme à tête d’ange (Danièle Delorme) mais dont les desseins sont particulièrement diaboliques. Quand il laisse la part belle aux scènes du restaurant, situé au cœur des Halles, le film témoigne de l’engouement du collectif qui n’a jamais quitté Duvivier. Mais les plans larges laissent peu à peu la place à des scènes plus intimistes où se répand le poison du cœur humain. Et le personnage interprété par Danièle Delorme (qui n’en revenait pas à l’époque qu’on lui offre un rôle aussi écrasant face à Gabin alors qu’elle n’avait pas encore vraiment fait ses preuves) est sans doute l’un des plus effrayants imaginés par Duvivier, qui n’a pourtant jamais mis beaucoup d’eau dans son vinaigre…

Yves Alion

La Belle Equipe / La Fin du jour / Voici le temps des assassins
Pathé Vidéo




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