Une bataille après l’autre
Une bataille après l’autre
Il n’est pas de bon ton de comparer un film à un autre dans une critique. Mais il semble
difficile, voire absurde, de ne pas évoquer Eddington d’Ari Aster pour le dernier long
métrage de Paul Thomas Anderson, Une bataille après l’autre. Les deux œuvres
partagent de toute évidence une ambition commune, celle de brosser un portrait
contemporain volontiers cauchemardesque de l’Amérique sous Trump. Cette mise en
parallèle a aussi pour mérite de faire ressortir les qualités de l’opus d’Anderson. Le
cinéaste adapte pour la deuxième fois Thomas Pynchon, pour livrer l’histoire d’une
famille en cavale, rattrapée par ses démons politiques mais aussi familiaux. Tout comme
dans Eddington, la mise en scène flirte souvent avec une sorte de délire paranoïaque,
capturant en d’impressionnants plans- séquence la traversée d’une société hystérisée et
divisée. Mais Une bataille après l’autre ajoute une dimension réflexive, perçue dans son
principe narratif même : l’intrigue se déroule en effet dans un après (après les idéaux,
après la rébellion), et se permet d’interroger la transmission des luttes ou des traumas
au fil des générations, en un même mouvement. Anderson ne regarde pas que le présent,
et c’est sans doute sa force par rapport à Eddington, il inclut aussi le passé,
contextualise les violences, les luttes, dans un schéma générationnel plus large et plus
tragique. Sans oublier deux stars au sommet, Di Caprio et Penn, qui livrent des grands
numéros d’acteurs mais amènent surtout l’indispensable faille humaine, les paradoxes qui
rendent tout combat idéologique un peu absurde car prisonnier d’un facteur personnel
qui ne sera jamais prévisible.
Pierre-Simon Gutman
One Battle After Another. Film américain de Paul Thomas Anderson (2025), avec
Leonardo DiCaprio, Sean Penn, Teyana Taylor, Benicio DelToro. 2h42.
