Transmitzvah de Daniel Burman

La veille de sa bar-mitsvah (rituel de passage à l’âge adulte dans le judaïsme), Ruben annonce à ses parents – lors d’une très belle séquence de comédie musicale – qu’il est une fille, et doit en conséquence faire sa bat-mitzvah (la version féminine), sous le nom de Mumy. Stupeur paternelle. Vingt ans plus tard, devenue une star de la chanson yiddish, Mumy fait son retour dans sa ville natale, et s’aperçoit qu’elle a besoin de renouer avec elle-même.

Daniel Burman détourne à la fois le motif un peu classique de la quête d’identité et celui de la chronique familiale pour raconter une histoire extrêmement singulière, qui ne va jamais là où on l’attend. Flanquée de son frère Eduardo, Mumy suit en effet un chemin initiatique fantasque et burlesque qui la conduit jusqu’à Tolède, où elle rencontre un ermite vieux de plus de 3000 ans, afin de retrouver sa voix (au sens propre) et de s’autoriser à poursuivre sur la voie qu’elle s’est choisie, en toute liberté.

Au-delà du destin intime de Mumy, le film dresse un portrait choral assez joyeux et original, et même onirique, comme pour jouer avec la notion d’identité au sens large. Car ce n’est pas juste l’héroïne trans qui cherche à savoir qui elle est, c’est aussi le cas de tous les autres personnages, et notamment de son frère, formidable alter ego qui l’accompagne et la soutient dans une quête de sens devenue commune. Le duo que forment ces deux-là, et notamment leur manière de s’épauler et de ne sembler parfois former qu’une seule et même personne, est d’une grande justesse, et permet au film de s’extraire de tout un discours vieillot autour de la transidentité, pour au contraire rappeler que la complexité est inhérente à l’être humain, et que chacun, quel qu’il soit, a besoin de trouver le moyen de s’accepter pleinement.

Marie-Pauline Mollaret

Film argentin de Daniel Burman (2024) avec Penélope Guerrero, Juan Minujín, Alejandra Flechner, Gustavo Bassani, Alejandro Awada… 1h40.