The Phoenician Scheme de Wes Anderson
Même s’il a parfois pu donner l’impression de se perdre dans un cinéma systémique obsédé par la symétrie et le foisonnement narratif, Wes Anderson demeure l’un des cinéastes les plus passionnants de sa génération, qui creuse inlassablement le sillon d’une approche à la fois ultra formaliste et incroyablement romanesque, deux aspects qu’il est le seul à parvenir à combiner avec une telle virtuosité. The Phoenician Scheme poursuit sans surprise dans cette veine, bien que le cinéaste semble avoir choisi de se débarrasser des scories les plus épuisantes de son univers, à savoir une voix-off omniprésente et d’incessants allers et retours dans le temps. Moins chargé et frénétique, ce nouveau long métrage nous entraîne dans une intrigue d’espionnage rocambolesque (un homme d’affaires cherchant à réaliser un ultime gros projet fait la tournée de ses potentiels partenaires) qui dissimule évidemment des enjeux intimes (la réconciliation entre un père et sa fille) bien plus prégnants aux yeux du cinéaste – et du spectateur – que les questions d’argent et de pouvoir. Il fait cela avec un regard toujours aussi acéré (son personnage de milliardaire arrogant et cupide ne manque pas d’évoquer quelques figures contemporaines) et une ironie fulgurante et décalée qui fustige aussi bien le culte effréné de l’argent que l’opportunisme hypocrite des religions. Il travaille ainsi à ramener ses personnages, en moins de deux heures, et avec une précision de métronome, sur le (droit) chemin de la seule foi qui compte : celle en l’être humain.
Marie-Pauline Mollaret
Film américain de Wes Anderson (2025) avec Benicio del Toro, Mia Threapleton, Tom Hanks, Bryan Cranston, Mathieu Amalric, Scarlett Johansson, 1h41.